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Tahiti : un homme disparaît : L’affaire JPK

rédigé le 4 mai 2013 (mis en ligne le 29 mai 2013) - Odile Tobner

Benoît Collombat, Un homme disparaît : L’affaire JPK, éd. Nicolas Eybalin, mars 2013, 455 p. 16 euros.

Dans le livre Un homme
disparaît : L’affaire JPK,
Benoît Collombat évoque
la disparition du journaliste
Jean-Pascal Couraud, dit
JPK, à Tahiti en Polynésie
française.

C’est toute l’histoire de ce territoire,
formé d’une centaine d’îles dans
le Pacifique, qui est à découvrir en
toile de fond du récit de la vie d’un homme
exemplaire par sa ténacité et son courage,
disparu en 1997 à 37 ans.

« La Polynésie, malgré l’autonomie,
ne serait-elle pas toujours une colonie
 ?
 » s’interroge l’auteur. Après l’Algérie
française, les même réseaux, issus du
SAC, se sont abattus sur ce territoire
avec le transfert des essais nucléaires sur
l’atoll de Mururoa, qui ont empoisonné
pas seulement l’environnement des
Polynésiens mais aussi toute leur vie
politique.

On baigne également dans
la Françafrique. Du Gabon à Tahiti
le chemin est plus court qu’on ne le
pense. L’indéboulonnable politicien
local, Gaston Flosse, a mis en place un
système de cooptation et de corruption
qui lui assure la haute main sur toute
l’administration du territoire. Personne
n’ose le dénoncer parce qu’il a aussi ses
milices personnelles de gros bras, les
GIP (Groupement d’Intervention de la
Polynésie), qui espionnent et intimident
les leaders de l’opposition ou les
journalistes trop curieux.

JPK est quasiment le seul qui va
entreprendre, d’abord dans Les nouvelles
de Tahiti, puis comme chargé de
presse d’un élu de l’opposition, une
campagne d’information sur les multiples
malversations du clan Flosse.

Ses investigations l’amènent également
sur la trace des intérêts au Japon de
l’indéfectible protecteur de Gaston
Flosse, Jacques Chirac. Les japan et
korean connection sont bien présentes
en effet à Tahiti. Un curieux banquier
japonais, Osada fait le lien entre Paris,
Tahiti et Tokyo.

Dès lors JPK devient
l’homme à abattre ou du moins à faire
taire. Après sa disparition, sa famille
mobilise l’opinion pour obtenir une
enquête. Les pistes conduisent à
l’entourage de Gaston Flosse. Des
membres des GIP auraient enlevé JPK,
l’auraient tabassé pour le faire parler
et l’auraient noyé en mer inconscient.
Après quinze ans l’enquête semble enfin
progresser.

Entre temps Gaston Flosse a perdu en
2004 la présidence de la Polynésie au
profit d’Oscar Temaru, indépendantiste,
soutenu par une coalition qui s’est ensuite
fissurée. Malgré les multiples enquêtes
et procès qui le frappent, Gaston Flosse
vient de remporter largement, le 21 avril,
le premier tour des élections territoriales.
Il peut donc revenir, à 82 ans, à la
présidence de la Polynésie à l’issue du
second tour le 5 mai.

La présentation,
par Benoît Collombat, du microcosme
de la Polynésie française est édifiante et
instructive quant au fonctionnement du
pouvoir politique français dans ses ex-colonies, quelles qu’elles soient. Elles
peuvent être devenues départements
d’Outre-Mer, Territoires autonomes, ou
pays indépendants, elles souffrent des
mêmes maux liés aux relations malsaines
entretenues avec la « métropole »,
comme dit encore Alain Juppé à propos
de la Côte d’ivoire.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 224 - mai 2013
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