Survie

Sahara Occidental : tergiversations européennes

rédigé le 2 novembre 2013 (mis en ligne le 2 janvier 2014) - Martine Diambou

Le Parlement Européen vient de dénoncer l’occupation marocaine du Sahara Occidental et les violations des droits humains. Ira-t-il jusqu’à rejeter le nouvel accord de pêche Union Européenne-Maroc ?

Le Parlement européen a confié à sa commission des affaires étrangères la rédaction d’un rapport sur les droits de l’homme au Sahel, dit « rapport Tannock », y compris au Sahara Occidental. Malgré les pressions et manoeuvres marocaines, la commission a adopté ce rapport le 24 septembre, après examen de 341 amendements, dont une centaine sur le Sahara occidental. Ceux présentés par les Français Roatta et Dati (UMP) mais aussi par Pargneaux (PS), favorables au plan marocain d’autonomie, ont été balayés et les parlementaires ont une fois de plus réaffirmé le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, « un droit de l’homme fondamental ».

Reconnaissance des violations des droits humains

Le rapport amendé reconnaît la gravité de la situation des droits humains dans les « territoires occupés » (et non « provinces du Sud », la terminologie marocaine), qui doit être abordée sans attendre le règlement final du conflit. Il se prononce pour le respect des droits humains et des libertés fondamentales du peuple sahraoui, y compris « la liberté d’association, la liberté d’expression et le droit de manifester pacifiquement », et condamne notamment les violences infligées aux femmes sahraouies. Il souligne que l’ONU n’a pas pu mettre en place un mécanisme indépendant pour la surveillance des droits humains au Sahara occidental (cette mission a en effet toujours été exclue des prérogatives de la mission des NationsUnies sur place, la MINURSO, du fait des pressions du Maroc et de la France, son alliée indéfectible sur ce dossier). Il proteste contre l’expulsion d’une délégation de parlementaires européens en mars 2013 et réclame «  la liberté d’accès et de mouvement au Sahara occidental pour les observateurs indépendants, les parlementaires, les journalistes et les organisations humanitaires  ». Enfin, il demande aux autorités marocaines de «  libérer immédiatement tous les prisonniers politiques sahraouis  », et interpelle la Commission européenne et les États membres pour qu’ils soient plus actifs dans la résolution du conflit en ne se contentant pas de supporter les négociations sous l’égide de l’ONU, mais aussi en utilisant les instruments de la politique extérieure communautaire.

Lobbying pro-Maroc

Toutefois, l’adoption de certains amendements en faveur des thèses marocaines a abouti à atténuer les orientations du rapport : reconnaissance de l’intégrité territoriale comme principe du droit international, exclusion de l’accord de pêche UEMaroc du rapport, relais de la demande marocaine d’un recensement des réfugiés sahraouis de la ville de Tindouf, reconnaissance du travail du Conseil National des Droits de l’Homme du Maroc, référence aux allégations de Rabat et d’associations sur les atteintes à la liberté d’expression et de mouvement dans les camps de réfugiés sahraouis (mais aussi aux démentis du Front Polisario)…

Le groupe d’amitié UE-Maroc, un groupe informel présidé par l’eurodéputé socialiste Pargneaux, n’a pas manqué de critiquer le rapport qui « comporte des éléments incriminant le Maroc et éludant les efforts réalisés par le Maroc dans la promotion des droits de l’homme et le développement des provinces du Sud », mais il s’est félicité aussi d’avoir contribué à « rectifier le tir et d’avoir finalement obtenu un rapport plus acceptable ». Adopté par la Commission des affaires étrangères par 46 voix et 13 abstentions (aucun vote contre), le texte a été soumis le 22 octobre à une séance plénière des eurodéputés, qui ont résisté aux pressions des autorités marocaines et confirmé les principales orientations du rapport. Le Parlement européen, qui s’est déjà prononcé à plusieurs reprises en 2012 et 2013 pour faire appliquer le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui, dénonce donc une fois de plus les violations des droits humains au Sahara Occidental et demande la libération des prisonniers saharouis. Une épine diplomatique dans le pied du Maroc, candidat au Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies.

Business as usual ?

Malgré ces violations permanentes des droits humains dans les territoires, malgré les récentes condamnations par un tribunal militaire marocain à des peines de prison allant de 20 ans à la perpétuité pour 25 militants du camp sahraoui de Gdeim Izik, la Commission européenne a signé avec le Maroc le 26 juillet un nouvel accord de pêche. Or, lors de l’adoption du rapport Tannock, la Commission des affaires étrangères a rejeté l’amendement visant à rendre illégale l’exploitation des ressources naturelles du Sahara Occidental, y compris cet accord de pêche UE-Maroc.

Le Parlement européen, qui avait rejeté la prolongation du précédent accord en décembre 2011, doit donner son avis sur ce nouvel accord d’ici la mi-décembre. Les eurodéputés, s’ils veulent être cohérents, doivent s’opposer à ce texte qui reconnaît au Maroc le droit de négocier le pillage des ressources sahraouis. Mais dès lors qu’il s’agit de business...

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 229 - novembre 2013
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