Survie

Revenus mal acquis

rédigé le 30 août 2014 (mis en ligne le 12 octobre 2014) - Odile Tobner

L’attachement des politiciens français à la perpétuation des
"relations très spéciales" liant Paris et ses ex-colonies d’Afrique a
des raisons très personnelles : carrières pour leurs rejetons peu
doués – on se souvient du fils Mitterrand –, source de revenus
complémentaires, caisse de retraite, voire occasion d’édifier de
véritables fortunes, pour nos dirigeants c’est ça aussi – surtout ?– la
Françafrique.

Sarkozy est le dernier à avoir été pris la main dans le sac.
Après avoir cru que les décideurs des pays riches s’arracheraient ses
interventions d’ex-Président de la République française, à l’instar de
celles d’un Kissinger, d’un Clinton ou d’un Blair, Sarkozy est revenu à la
réalité pour entrer dans l’histoire françafricaine qui voit nos politiciens
prendre sans vergogne leur part de la mise en coupe réglée du réduit
africain francophone. Il a ainsi empoché 100 000 euros sur le dos des
misérables Congolais, au prétexte d’une intervention, le 25 juillet dernier,
au Forum Forbes de Brazzaville, financé par le trader pétrolier Lucien
Ebata, faux-nez de l’autocrate maffieux Sassou Nguesso [1]. En 2012, ce
sont Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin et en 2013 Jean-
François Copé qui participaient à ce forum, sous la houlette de Christine
Ockrent, modératrice attitrée de ces débats.

L’époux de la dame, Bernard Kouchner, s’est particulièrement
distingué dans ce triste métier. On se souvient qu’il admit avoir reçu
400 000 euros d’Omar Bongo pour prix d’un pseudo-rapport consacré à
la santé au Gabon. Le rapport lui-même fut payé 1 300 000 euros à la
société IMEDA, selon son fondateur un diplomate français ami de BK. Un
contrat analogue fut négocié avec le Congo en 2008. Depuis 2011
Kouchner conseille le Président guinéen Alpha Condé, "bénévolement",
prétend-il : il dispose au minimum de substantiels avantages en nature :
bureaux dans les locaux de Bolloré, qui, à côté de Total [2], finance les
"bonnes œuvres" du french doctor, voiture, chauffeur et garde du corps
fournis par l’État guinéen.

On voit que les techniques de pillage se sont considérablement
sophistiquées depuis les rustiques valises de billets, les pêcheries
mauritaniennes de Jean-Christophe Mitterrand ou les réseaux corses de
Pasqua. Désormais des communicants professionnels sont à la
manœuvre, tels l’agence Havas, de l’inévitable Bolloré, pour le forum
Forbes de Brazzaville ou Richard Attias pour le New York Forum Africa
de Libreville – les dénominations anglo-saxonnes sont censées apporter
l’indispensable touche de modernité mais le business reste sordide.

Aucun de nos vertueux vautours n’atteint cependant l’habileté d’un
Michel Rocard, pionnier en la matière et toujours inégalé, puisque son
intense et rémunérateur lobbying en faveur des dictateurs françafricains
n’a en rien écorné son image dans les médias français. L’activité
principale de la grande conscience de la gauche française est depuis
longtemps d’assurer les relations publiques de l’autocrate camerounais
Paul Biya, pour le compte de l’agence Euro RSCG (devenue récemment
Havas Worldwide), qui a vendu sa réélection frauduleuse en 1992. Dans
les années 80, c’était déjà un proche de Rocard, le publicitaire Claude
Marti, qui inventait pour le même dictateur, inamovible, le slogan du
Renouveau. Alors certes, la France ne saurait accueillir toute la misère
de l’Afrique francophone : le fric francophone, par contre, nos politiciens
n’en ont jamais assez.

[2On
se souvient du fameux rapport commandé à Kouchner par TOTAL Birmanie, qui exonérait la compagnie de l’accusation de travail forcé.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 238 - septembre 2014
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