Le chef de l’État français n’en est plus à une abjection près. Le 18 juillet, il s’est permis de saluer la mémoire du militant noir américain John Lewis.
Il faut dire que celui-ci avait le bon goût d’avoir lutté aux États-Unis et non en France, sans quoi, au lieu
d’être rangé parmi les « héros », il aurait été traité de
« séparatiste ». En France, les antiracistes, on les préfère lointains et quand ils s’abstiennent de mettre des
dizaines de milliers de personnes devant un tribunal
ou sur la place de la République pour rappeler que la
police est une institution raciste qui harcèle et tue. On
s’enorgueillit que James Baldwin a choisi Paris pour
son exil. On oublie que celui-ci était bien conscient
que cette relative accalmie dont il pouvait alors bénéficier n’était pas accordée
aux noir.es de France.
Dans la patrie des
droits de l’homme blanc,
on nomme des lycées
« Rosa Parks » sans trop de
soucis. Mais lorsque certain.es osent souligner que trop de bouchers coloniaux ou chantres du racisme biologique ont leurs
avenues ou statues, le même abject président se
fâche : « la France ne déboulonnera pas de statues, la
République n’effacera aucune trace de son histoire » !
Faidherbe, Gallieni, Ferry, Colbert ou Renan peuvent
siéger tranquilles sur leurs piédestaux : leurs massacres ou propos sans ambiguïté sur les « races inférieures » restent encore des « détails de l’histoire »
pour l’État et bon nombre de gens.
Ces enjeux ne sont pas seulement historiques. Le
colonialisme tue au présent. John Lewis, « héros » selon Macron rappelons-le, était opposé à la guerre en
Irak ou à l’invasion d’Haïti en 1994 sous Bill Clinton
(même si cette opposition n’a pas survécu à l’union sa
crée militariste une fois les opérations lancées). Un antiracisme conséquent doit aussi combattre les guerres
françaises en Afrique. Car si l’impunité est la règle
pour la police qui abat chaque année son quota de
noirs et d’arabes en France, au moins ces morts-là
commencent-ils à émouvoir un peu grâce au combat
acharné des proches et de quelques militant.es tenaces. On est très loin de provoquer la moindre émotion, ici, pour ces corps non-blancs massacrés par les
armes de guerre de l’autre côté de la Méditerranée,
qu’elles soient tenues directement par des militaires
français ou par des troupes soutenues par l’ancien colon tricolore.
C ’est le cas, par exemple, en Libye. C’est bien à la
France qu’on doit cette guerre qui sévit depuis 2011
dans le pays. L’Europe y
finance des groupes armés pour qu’ils empêchent des gens d’arriver
jusqu’à nos côtes à tout
prix, même le plus inhumain. La France alimente
activement le mouvement du maréchal Haftar et donc
la poursuite de la guerre civile. Macron, là-aussi, pratique le déni sans honte. Ainsi, en cette fin de mois de
juin, c’est la Turquie que le président a pointée du
doigt, l’accusant d’avoir « une responsabilité historique
et criminelle » et d’être « le premier intervenant extérieur » dans le conflit.
Aux États-Unis, les manifestant.es scandent une apparente évidence : les vies noires comptent. Le mouvement amène aujourd’hui à envisager d’y supprimer la
police. Ici, on défend le droit d’étrangler et rend hommage aux bourreaux. On continue de tuer des noir.es,
ou de soutenir ceux qui le font. Il faut croire que le
slogan « Black lives matter » se vide de son sens lorsqu’on le traduit en français.