Survie

Centrafrique : un complot contre l’armée française

rédigé le 3 juin 2015 (mis en ligne le 8 juin 2015) - Odile Tobner

Au cours du premier trimestre 2014, des enquêteurs de l’ONU,
alertés par des bénévoles centrafricains, recueillent les
témoignages circonstanciés de six enfants faisant état d’abus
sexuels commis à leur encontre par une quinzaine de soldats français de
l’opération Sangaris. Le compte rendu de ces faits est transmis en juillet
aux autorités françaises mais ce n’est que fin avril 2015 que le contenu de
ce rapport est révélé au public par le quotidien britannique The Guardian.
Depuis c’est la panique car, sans ces "indiscrétions", pour reprendre le
terme utilisé par Chevènement, on était parti pour l’enterrement de
l’affaire.

L’article du Guardian contraint les autorités politiques à réagir
publiquement. Aucune n’a un mot de compassion pour les petites
victimes présumées de ce que Hollande appelle « de mauvais
comportements
 »
, pas même Royal. Elle s’était pourtant, en tant que
ministre de l’enseignement scolaire du gouvernement Jospin, spécialisée
dans la lutte contre la pédophilie, au point d’édicter une circulaire faisant
obligation aux établissements d’enseignement de suspendre avant toute
enquête tout agent faisant l’objet de telles dénonciations. Mais il ne s’agit
plus là d’enfants français mais centrafricains et de l’image de l’armée. Sur
ce point on sera « implacables », affirme Hollande, selon qui « aucune
tache ne doit écorner (sic) l’uniforme
 » ; « si quelqu’un a sali le
drapeau qu’il se dénonce
 », affirme grotesquement Le Drian.

La presse aux ordres reçoit le message cinq sur cinq et emploie toute
son énergie ancillaire à frotter uniformes et drapeau, n’hésitant pas pour
cela à verser dans le complotisme. L’Obs évoque une « énorme manip »
sans avancer le moindre fait à l’appui de cette grave accusation. Le
Monde développe longuement l’hypothèse complotiste
, qui serait
confortée selon ses « journalistes » par... la concordance des
témoignages ! L’ignoble est atteint quand ces mêmes « journalistes »
affirment que ces enfants affamés « pourraient mentir contre quelques
billets
 », sans préciser qui aurait distribué ces billets. Ils concluent que
l’établissement des faits serait impossible, alors que le premier recueil
des témoignages a été remarquablement fait par un travailleur social en
charge de la protection des enfants. En dépit de tous ces éléments, la
journaliste Nathalie Guibert affirme qu’« on est dans quelque chose
d’irrationnel
 », quand la seule chose invraisemblable est ce prétendu
complot.

Après ce tir de barrage gageons que l’instruction judiciaire, enfin
engagée il y a quelques jours, va s’enliser indéfiniment, telle celle ouverte
à la suite de plaintes de victimes rwandaises contre l’armée française,
notamment pour des viols commis en 1994. Si jamais un procès a lieu on
assistera au lamentable spectacle donné par celui des militaires
lyncheurs de Firmin Mahé, où l’on a vu le ministère public glorifier les
accusés. Quant à l’affaire de Bouaké, dont les victimes étaient des
soldats français, elle semble définitivement ensevelie sous les
mensonges ministériels.

De tels crimes sont appelés à se répéter. Tant que l’armée française en
Afrique restera au-dessus des lois, elle attirera irrésistiblement dans ses
rangs pédophiles et autres criminels, qui sauront pouvoir y trouver un
sanctuaire d’impunité grâce à l’active complicité des autorités civiles et
militaires et des organes d’information. En souillant ainsi des êtres sans
défense, on ne lave certainement pas l’honneur de l’armée française : on
y ajoute le déshonneur des autorités politiques et du journalisme français.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 247 - juin 2015
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