Survie

Finie l’omerta ?

rédigé le 1er septembre 2015 (mis en ligne le 1er novembre 2015) - Thomas Noirot

Nono Théophile du Collectif Mémoire 60 réagit à la promesse du président français de déclassification des archives sur la guerre de décolonisation.

Pouvez-vous brièvement présenter le Collectif Mémoire 60 ?

Le CM60 est une association créée à Bafoussam en octobre 2009 par des militants politiques pour faire valoir le devoir de mémoire envers la lutte indépendantiste occultée de l’UPC. « 60 » cristallise cette date de l’histoire du Cameroun en tant qu’année de « l’indépendance ». Je suis un des trois fondateurs du collectif dont j’assume le secrétariat. Nous avons jusqu’ici organisé quelques séances d’information notamment destinées aux jeunes.

Comment les Camerounais ont-ils accueilli les déclarations de F. Hollande début juillet à Yaoundé, sur la possible déclassification d’archives ? Et que pense le CM60 de ces annonces ?

Elles ont été très favorablement accueillies. Le CM60 a publié un communiqué largement repris par la presse camerounaise pour appeler à la création d’un comité multi-partite pour reconstituer ce moment d’histoire. En effet, les déclarations de Hollande ouvrent une brèche et des perspectives nouvelles, tant pour le pouvoir français que son représentant camerounais et pour les Camerounais en général. Pour peu que nos compatriotes acceptent de se battre massivement, nous allons pouvoir arracher le droit de tout savoir sur ce qui s’est passé. Ça fait quand même plus de 50 ans !

Faire cette annonce devant Biya était-il opportun, pour le contraindre à se positionner, ou malvenu, entraînant un risque de récupération ?

Hollande était attendu au tournant. Donc c’est une annonce bienvenue ! Qui plus est, dans un contexte de sentiment antifrançais absolu. Qu’il y ait récupération tous azimuts de ses propos ne devient un problème qu’à partir du moment où les forces patriotiques prônant le devoir de mémoire tel qu’il doit être sont hors du coup. Savoir et pouvoir recentrer le débat dans le bon sens est un des rôles clefs du collectif.

Ces annonces ont-elles entraîné d’autres déclarations ou un débat public au Cameroun, voire l’annonce d’ouverture d’archives camerounaises ?

Oui, pour ce qui est du débat public, bien que très mal posé avec le prisme d’analyse tribal privilégié (lutte indépendantiste = affaire des Bassas et des Bamilékés). Il n’y a pas encore de décision sur la divulgation des archives essentielles. Encore moins sur leur scandaleuse et pitoyable maintenance.

La rumeur court que Hollande souhaiterait le départ de Biya, y compris en soutenant indirectement des mouvements armés au Nord. Qu’en pensez-vous et comment interprétez-vous cette visite de Hollande à Biya dans ce contexte franco-camerounais actuel ?

Il y a beaucoup de spéculations sur les relations Biya/Hollande. Je m’en tiens à ceci : pour l’heure, le régime Biya n’aliène en rien les intérêts français au Cameroun. Je vois même une main du régime Biya dans la remontée fulgurante du sentiment antifrançais ici avec l’affaire Boko Haram. C’est une carte cynique habile pour se positionner comme meilleur interlocuteur. En débarquant à Yaoundé, Hollande rassurait donc Biya sur ses inquiétudes.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 249 - septembre 2015
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