Survie

Terreur de l’anti-terrorisme

rédigé le 1er décembre 2015 (mis en ligne le 16 janvier 2016) - Thomas Noirot

Les définitions usuelles du
« terrorisme » renvoient aujourd’hui
aux actions violentes de groupes visant
à déstabiliser une société ou un État.
Étymologiquement, le mot désignait
pourtant, à la Révolution française, la
doctrine des partisans de la Terreur ...
une politique d’État. Il n’y a aucune
raison de limiter la portée lexicale du
mot : « terrorisme » doit qualifier le
recours à des moyens « terrifiants »
dans la poursuite d’un but politique –
comme le « terrorisme bonapartiste »
dénoncé par Victor Hugo. On aimerait
alors que l’expression « lutte contre le
terrorisme » signifie lutter contre ce
recours à la terreur – autrement dit,
défendre les droits. Sauf que, comme
l’illustre la célèbre formule de Charles
Pasqua qui voulait « terroriser les
terroristes », l’État français n’a jamais
traduit en ce sens le concept flou de
l’antiterrorisme.
D’une part, par une désignation très
sélective. Juste après que les nazis et
le régime de Vichy aient qualifié les
résistants de « terroristes », la France
en fit de même dans son empire
colonial, notamment avec les
indépendantistes en Algérie et au
Cameroun – et on sait quel traitement
de terreur l’armée française fit alors
subir aux populations. A l’inverse,
d’autres « terroristes », au sens littéral
du terme, conservent depuis toujours
les faveurs des autorités françaises :
celles-ci
ont ainsi, encore en 2015,
renforcé leur alliance avec des régimes
de terreur, du Congo-Brazzaville
à
l’Arabie Saoudite en passant par le
Tchad ...
D’autre part, par un contenu criminel.
Car comme souvent, le verbe haut
reste le moyen des coups bas : à
l’instar de la loi antiterroriste
promulguée fin 2014 au Cameroun ou
de l’état d’urgence permanent de la
dictature égyptienne, les législations
d’exception donnent carte blanche aux
plus féroces répressions chez nos alliés
– souvent avec du matériel et du
conseil technique français.
La « guerre contre le terrorisme » n’est
donc pas seulement vaine, en cela
qu’elle ne désigne pas un adversaire
identifiable ; elle est plus que jamais
l’alibi voire le moyen de politiques
criminelles – celles-là
mêmes qu’il
faut combattre.

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Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 252 - décembre 2015
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