Au Cameroun, le Groupement Inter
patronal du Cameroun (GICAM) est
désormais dirigé par un Français.
Suite au décès début août de son président,
le Camerounais André Fotso, l’organisation
patronale a confié les rênes de la boutique à
celui qui était alors son premier Vice-président, pour qu’il assure l’intérim jusqu’en
2019. Un peu comme si notre MEDEF était
dirigé par un des cadres nord-américains de
Monsanto, au moment même où le débat
fait rage autour des traités transatlantiques
de libre-échange que l’Union européenne
s’apprête à signer avec le Canada (CETA) et
négocie avec les États-Unis (TAFTA). Car au
Cameroun, la bataille contre le libre-échange
concerne les APE. Et au Cameroun, il est de
notoriété publique que les grands gagnants
des APE seront les producteurs de banane.
Le hic, c’est que la banane du Cameroun est
avant tout une banane française : deux entreprises se partagent la filière, une société publique camerounaise objet de toutes les
convoitises, et « les Plantations du Haut Penja » (PHP), filiale du groupe marseillais La Compagnie Fruitière. Armel François, qui est
passé cet été du rang de n°2 à celui de n°1
par intérim du Medef camerounais, est le Directeur général de la PHP depuis une quinzaine d’années. Son groupe contrôle 6000
ha de terres parmi les plus fertiles du pays,
principalement dans les vallées du Moungo,
auxquelles s’ajoutent désormais environ
2000 ha de concessions récemment obtenues aux alentours d’Edéa, au cœur de la forêt Bassa.
La PHP exporte certes du « poivre de
Penja » (une appellation désormais reconnue et protégée) et se diversifie en plantant des cacaoyers, mais son cœur de métier,
c’est la banane : une banane d’exportation
bien sûr, qui requiert des plantations industrielles qui n’ont rien à voir avec les vergers paysans où se cultive la banane plantain.
Une banane industrielle, donc, mais « équitable » : depuis 2013, la PHP se targue
d’avoir obtenu la labellisation Max Havelaar
qui, les consommateurs bienveillants
l’ignorent, n’a rien d’incompatible avec une
structure agro-industrielle où triment plus
de 5000 salariés. La labellisation « équitable »
de leur employeur leur permet de toucher
une petite prime Fairtrade : c’est mieux que
rien, mais on est bien loin de l’image du petit producteur qui s’émancipe des règles
brutales du commerce mondial grâce à l’alliance de quelques « consom’acteurs » auto proclamés. En attendant, le groupe PHP et
sa maison-mère marseillaise empochent une
autre partie de la prime, et comptent sur
l’Union européenne, qui alloue généreusement 5 millions d’euros par an de subventions à ces entreprises bananières du
Cameroun pour les aider à faire face à la
concurrence latino-américaine, pour continuer à leur garantir un accès privilégié à son marché. Les APE, qui vont ouvrir davantage
le marché africain aux produits européen et
ruiner un peu plus les petits producteurs et
les entreprises locales, sont la clé de ce privilège. Et le patronat camerounais, désormais dirigé par le patron français de la
banane, va continuer de plus belle à fouler
aux pieds la mémoire de ceux qui se sont
battus en vain pendant quinze ans, face à
l’armée française, pour l’indépendance de ce pays.