Survie

L’entreprenariat des femmes, une chance pour l’Afrique (BIT)

Publié le 6 juin 2007 - François Lille, Survie

BIT en ligne - N° 16 - Vendredi 4 mai 2007

L’entreprenariat des femmes : un sésame pour le travail décent en Afrique

En Afrique, l’égalité des sexes en matière de droits et de participation à la vie sociale, culturelle, économique et politique est restée illusoire. Les femmes demeurent les principales victimes de la pauvreté, de l’exclusion sociale et du déficit d’accès aux services de santé et d’éducation. Au cours de la XIème Réunion régionale africaine de l’OIT à Addis Abeba, une table ronde sur les femmes chefs d’entreprise - réunissant l’Administrateur du PNUD Kemal Dervis, le Directeur général du BIT Juan Somavia et la Directrice régionale du BIT pour l’Afrique Regina Amadi-Njoku, ainsi que les représentants des travailleurs et des employeurs - a conclu que donner du pouvoir aux femmes africaines permettrait de renforcer les capacités de l’Afrique.

ADDIS ABEBA (Nouvelles du BIT) - Hadinet Medhin, née dans une famille de fermiers à Adwa dans la région du Tigré, avait 20 ans en 1988 quand une attaque à la grenade l’a rendue sourde et aveugle.

En plus des catastrophes naturelles et du retard économique, la population d’Éthiopie a enduré trois décennies de guerre. Dans les années 80, la guerre du Tigré a provoqué le déplacement de centaines de milliers de personnes et en a laissé beaucoup d’autres mutilées, notamment des femmes.

Le mari d’Hadinet vend des matériaux de construction et fait du commerce de gros de teff, de blé et de légumineuses. Hadinet a essayé de monter une affaire de production et de vente de lait, mais elle n’était pas rentable. Quand sa vache est morte, elle a dû trouver d’autres moyens d’existence. Elle a emprunté de l’argent à des proches et ouvert une boutique devant chez elle. « Je vends du sucre, du café, du savon, de la lessive, de la papeterie, des chaussures en plastique et quelques autres choses », dit-elle. « Je m’occupe de la boutique toute seule, mais c’est avec mon mari que je prends les décisions et tiens la comptabilité. Je ne sais jamais à l’avance quelles seront mes ventes du mois. »

L’expérience d’Hadinet est représentative des défis que des millions de femmes ici et dans d’autres pays d’Afrique doivent relever chaque jour. L’histoire d’Hadinet met en évidence l’un des objectifs de la table ronde : comment la promotion de l’entreprenariat et du travail décent des femmes peut non seulement contribuer à renforcer leurs capacités mais aussi à éliminer des obstacles structurels et juridiques.

« Nous devrions considérer l’entreprenariat des femmes comme une voie d’accès au Travail décent et aux Objectifs du Millénaire pour le Développement » (OMD), a déclaré Mme Gertrude Mongella, Présidente du Parlement panafricain, s’adressant au forum organisé sur le thème « Renforcer les capacités des femmes grâce à l’entreprenariat et au travail décent en Afrique » au Centre de Conférences de la Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA).

« Renforcer les capacités des femmes est une stratégie clé pour parvenir à l’égalité entre les sexes », poursuit-elle, ajoutant que les femmes jouent certes un rôle croissant dans les micro-entreprises et les PME en Afrique mais qu’elles se heurtent encore à de fortes contraintes pour créer et gérer leurs entreprises.

Le thème de l’entreprenariat des femmes comme instrument de réalisation du travail décent et des OMD a dominé les débats ici. « L’entreprenariat féminin a un effet sur la réduction de la pauvreté et sur la réalisation des OMD », affirme Mme Thokozile Ruzvidzo, Directrice par intérim du Centre africain pour le genre et le développement de la CEA.

En outre, sur un continent où l’esprit d’entreprise est peu répandu, les défis rencontrés par les femmes dans cette région sont encore plus grands. Et pourtant, il y a du changement dans l’air. Récemment, l’Afrique a connu une croissance phénoménale du secteur informel, des micro-entreprises et des PME, dirigées pour la plupart par des femmes.

Selon Gerry Finnegan, Directeur du Bureau de l’OIT à Lusaka et spécialiste du développement de l’entreprenariat des femmes, « l’Agenda de l’OIT pour le travail décent offre un cadre valable pour envisager des moyens efficaces pour soutenir les femmes chefs d’entreprise. »

Le Programme de la Coopération irlandaise et de l’OIT intitulé « Développer l’esprit d’entreprise parmi les femmes handicapées » a pour but de faciliter l’accès des femmes chefs d’entreprise souffrant de handicap aux activités intégrées du service de Promotion de l’entreprenariat féminin (WED) dans cinq pays d’Afrique sub-saharienne. Il y parvient grâce à sa collaboration étroite avec un autre projet de l’OIT, financé par l’Irlande, « le développement de l’entreprenariat, la promotion des femmes et de l’égalité des sexes » (WEDGE), qui œuvre pour améliorer les opportunités économiques pour les femmes d’affaires en général.

Le programme WEDGE offre un modèle de stratégie de l’OIT pour développer l’esprit d’entreprise des femmes à travers une triple approche : promouvoir les connaissances relatives à l’entreprenariat féminin, soutenir la liberté d’expression et la représentation des femmes et développer une gamme de services destinés aux femmes chefs d’entreprise et à leurs prestataires de services.

« Renforcer les capacités des femmes africaines, c’est renforcer l’Afrique », affirme le Directeur général du BIT Juan Somavia, ajoutant qu’encourager l’entreprenariat féminin en Afrique est crucial pour le développement du continent.

Dans un bref discours, l’Administrateur du PNUD Kemal Dervis a insisté sur le fait que les femmes africaines sont une « force motrice à tous les niveaux » sur un continent où le leadership des femmes est une tradition forte, en particulier dans le commerce.

A travers toute l’Afrique, l’OIT travaille avec des partenaires du développement et notamment le PNUD. « Dans le contexte d’une « ONU unie », l’OIT travaille activement à un programme conjoint pour le renforcement des capacités économiques des femmes au Mozambique », déclare M. Finnegan.

Les participants se sont mis d’accord : l’entreprenariat des femmes peut être une filière pour instituer des mécanismes offrant une meilleure protection et une plus grande sécurité aux femmes entrepreneurs, à leur famille et à leur communauté. Il pourrait aussi garantir que les femmes, en particulier les plus marginalisées, soient informées de leurs droits et des ressources dont elles peuvent être titulaires. Cela participe à la lutte globale contre les discriminations sur le marché du travail.

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