Survie

Le business florissant de la guerre

Publié le 15 novembre 2005 - Odile Tobner

Extraits tirés de la revue Afriques n°4, septembre-octobre 2005.

Avec les télécoms, la guerre est sans doute le business le plus florissant sur le continent [africain]. Le temps des "affreux" est bien révolu. Depuis le début des années 1990, on assiste à une privatisation des tâches de défense.

Sa manifestation la plus connue a été l’intervention décisive dans les conflits angolais et sierra-léonais de l’entreprise de guerre privée sud-africaine, Executive Outcomes (EO). (...)

Les causes du boom

(...) Plusieurs éléments l’ont favorisé : du côté de l’offre de services, la fin de l’apartheid et la chute du mur de Berlin ainsi que la tendance à l’externalisation des fonctions régaliennes de défense ont mis sur le marché de grandes quantités de soldats prêts à vendre leurs services, d’intermédiaires de la défense. La tendance [est] mondiale, d’autant qu’aux Etats-Unis, au Royaume-Uni comme en Afrique du Sud, on a assisté à une véritable hémorragie de cadres militaires vers le privé, qui offre des salaires nettement plus élevés. (...)

Du côté de la demande, la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide ont réduit l’affrontement direct entre les grandes puissances par Etats africains interposés à un moment où ces derniers, pour des raisons diverses allant des politiques d’ajustement structurel à la corruption des dirigeants, ont dû restreindre leurs dépenses publiques, y compris militaires. Cela a contribué avec d’autres causes à la destabilisation d’Etats déjà faibles, qui pour rasseoir leur autorité, face à l’éclosion ou à l’intensification de rébellion ont recouru aux soldats de fortune.

Mais d’autres acteurs dans un milieu de moins en moins sûr ont eu recours aux compagnies de sécurité, voire aux armées privées : l’ONU, les entreprises et les ONG. (...)

En outre, la privatisation de l’assistance militaire des puissances de l’OCDE, notamment de celles des Etats-Unis dans le cadre du programme ACOTA (African Contingency Operations Training Assistance) a offert un nouveau marché aux Sociétés Militaires Privées (SMP).

Le phénomène de la privatisation des tâches de défense, explique Claude Serfati, auteur de "La mondialisation armée" (éditions La Discorde 2001), a été clairement encouragée par le FMI et la Banque Mondiale. Il rappelle qu’en Sierra Leone, les mercenaires d’Executive Outcomes ont été partiellement payés sur des fonds déboursés au titre de l’ajustement structurel. (...)

[Le besoin de sécurité] constitue un créneau pour les multinationales de la sécurité qui ne se privent pas d’avancer de plus en plus fort des arguments de coût financier pour justifier le recours à leurs services. (...) [Elles] soulignent le "succès" de la firme sud-africaine Executive Outcomes" qui pour 36 millions de dollars seulement, avec 300 hommes, a sécurisé Freetown, libéré les mines, mis les rebelles en déroute et gagné la guerre, alors qu’une intervention similaire de l’ONU en aurait coûté 500 millions. Autre avantage, (...) les SMP peuvent intervenir là où le Congrés des Etats-Unis ne veut pas y expédier des boys. (...)

Trente-six sociétés militaires privées ont chargé une ONG, l’International Peace Operations Association dirigée par Doug Brooks, un ancien mercenaire en Sierra Leone, de multiplier les interventions publiques pour convaincre les récalcitrants des avantages de la privatisation de la défense et de la légitimité des SMP à s’engager dans le maintien de la paix. (...)

Une Convention Internationale de 1989 contre le recrutement, l’utilisation, le financement et l’instruction de mercenaires a bien été votée par l’Assemblée Générale. Mais aucun membre permanent du Conseil de Sécurité ne l’a ratifiée, d’autant qu’hormis la Chine, les autres abritent tous des firmes militaires privées. Dans les faits, l’ONU elle-même recourt de plus en plus aux SMP.(...)

(...) [Pour les SMP], un continent aussi traversé de soubresauts que l’Afrique est devenu un véritable Eldorado. (...)

Par François MISSER

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