L’année 2021 s’était terminée avec le scandale des « Egypt papers », du nom des révélations du média Disclose sur une opération secrète de l’armée française dans le désert égyptien en soutien au régime d’Al-Sissi. Un an plus tard, à l’automne 2022, le même média d’investigation révélait cette fois les liens financiers entre la ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher et Perenco, deuxième producteur français de pétrole brut. Deux affaires qui illustrent deux aspects majeurs de la Françafrique d’aujourd’hui, telle que nous l’avons analysée au cours de l’année 2022 : des opérations militaires qui échappent à tout contrôle démocratique et la compromission de l’État, au plus haut sommet, avec les entreprises pétrolières françaises.
Au Sahel, malgré la décision du Mali d’expulser l’ambassadeur de France et les nombreuses manifestations populaires contre la présence militaire française, l’opération Barkhane s’est réadaptée mais la guerre française contre le terrorisme n’a pas vacillé et n’a, jamais, fait l’objet d’un réel débat démocratique en France. Si la fin de l’opération Barkhane est annoncée désormais, ce n’est que pour tenter de la remodeler en un énième « partenariat » militaire avec les pays africains concernés, l’essentiel pour l’exécutif français étant de changer les « perceptions » mais surtout pas le fond. Une bonne vieille recette françafricaine.
Alors que les opérations militaires françaises passent sous les radars, le méga-projet pétrolier de Total en Ouganda et en Tanzanie s’est lui retrouvé sous le feu des projecteurs en 2022, grâce au travail de documentation inlassable de plusieurs ONG françaises et ougandaises. Aujourd’hui largement dénoncé pour ses conséquences désastreuses pour les droits humains, le climat et l’environnement, ce projet reçoit pourtant le soutien diplomatique, économique et militaire de l’État français. Que Total soit devant les tribunaux français ou ait été épinglé par le Parlement européen en septembre dernier, ne semble aucunement ébranler le soutien des autorités. Cela dit, on connaît depuis longtemps la confusion qui existe entre institutions publiques et intérêts privés, tant les portes tournent vite, entre les cabinets ministériels et les grandes entreprises françaises.
En 2022, la Françafrique macroniste a également poursuivi son soutien aux dictatures amies de la France, qu’il s’agisse du doyen, en la personne de Paul Biya – 40 ans de pouvoir au Cameroun –, ou du petit dernier, Mahamat Déby, qui a pris le pouvoir au Tchad à la mort de son père, le dictateur Idriss Déby. Mais si l’exécutif français reprend toujours les bonnes vieilles recettes françafricaines, il soigne davantage la présentation de la soupe servie au grand public : au Cameroun la France dialogue avec la société civile (sic) et annonce une ouverture des archives, sélective et sous conditions, sur la guerre d’indépendance, tout en renforçant la coopération militaire avec l’armée camerounaise, alors que la guerre fait rage dans les régions anglophones du Cameroun. Au Tchad, la France soutient officiellement le « Dialogue national » sous prétexte qu’il serait « inclusif », alors que le pouvoir déjà bien en place de la dynastie Déby continue de massacrer les manifestants qui dénoncent cette pseudo-transition démocratique, tout en se prévalant d’une coopération française jamais interrompue. Au Gabon et au Congo-Brazzaville, c’est l’écologie qui vient revernir les liens entre la France et ses alliés de longue date. Annoncée pour fin décembre, la visite du président congolais Sassou N’Guesso à Paris n’a finalement pas eu lieu, mais les chefs d’État congolais, gabonais et français se retrouveront probablement dans quelques mois au One Forest Summit organisé au Gabon. Ou comment greenwasher le soutien aux dictatures… il y aurait urgence à faire semblant de protéger les forêts d’Afrique centrale, la démocratie, elle, attendra. On est verni.
Marie Bazin