Survie

OMC : Oxfam rue dans les brancards

Publié le 15 novembre 2002 - Comi Toulabor

Libération, France, 15 novembre 2002.

L’espoir a du plomb dans les ailes. Un an après la réunion de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), à Doha au Qatar, le compromis trouvé sur l’accès des pays pauvres aux médicaments essentiels tient plus que jamais de la course d’obstacles. Car, dénonce un rapport de Oxfam, une ONG de développement basée à Oxford, « les Etats-Unis multiplient les pressions bilatérales » sur les pays du Sud pour qu’ils « restreignent » ou « retardent » la production locale ou l’importation de médicaments génériques moins chers, option pourtant validée à Doha. Cette politique a des conséquences « potentiellement dévastatrices pour des millions de personnes ». Et pour cause : 40 millions de personnes dans le monde vivent avec le sida, et plus de 90 % ne bénéficient pas d’antirétroviraux. Au-delà du sida, deux milliards de personnes n’ont pas accès aux médicaments essentiels.

« Liste noire ». Le sujet sensible, promu comme la principale avancée pour les pays en développement à Doha, est à l’ordre du jour de la miniministérielle (25 pays) qui se tient jusqu’à ce soir à Sydney (Australie). Il devrait être tranché au plus tard le 31 décembre, par un consensus entre les 145 pays membres de l’OMC. Mais il reste du chemin à parcourir. Les pays riches redoutent qu’une interprétation large des accords sur les droits de propriété intellectuelle (Adpic) constitue une aubaine industrielle pour les pays producteurs de génériques, comme l’Inde ou le Brésil. L’Europe s’oppose à ce que des pays classés en développement mais à haut niveau de revenus bénéficient de ce dispositif. Mais ce sont surtout les Etats-Unis, qui, « pressés par les lobbies pharmaceutiques » et plaident pour une « stricte » protection des brevets, qui sont pointés du doigt. Ainsi, Oxfam revient sur la liste dite « 301 », « une véritable liste noire, assure Céline Charveriat, qui représente l’ONG à Genève, sur laquelle figurent tous les pays qui cherchent à importer ou produire des génériques, comme Doha le leur autorise ». Par exemple, 27 pays seraient toujours suspectés d’avoir une « protection insuffisante » de leurs brevets pharmaceutiques, comme le « Vietnam ou la Bolivie ».

Bien sûr, note Oxfam, les pays du Sud ont leurs responsabilités dans l’inaction actuelle (« manque de volonté politique, manque d’argent, pauvres conseils techniques »). Mais les pressions américaines bilatérales, « politiques et diplomatiques », et « en dehors de l’OMC », « restent énormes ». Hier, Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, a rappelé que « les règles protégeant la propriété intellectuelle ne devaient pas constituer un obstacle à la protection et la promotion de la santé publique. C’est à la fois un impératif moral et une nécessité sociale et économique ». Le message a visiblement du mal à passer.

Par Christian LOSSON

© Libération

a lire aussi