Survie

Un pavillon social pour tous les marins

Salaire minimum, horaires, âge légal, santé : un code du travail mondial vient d’être adopté.

Publié le 28 février 2006 - Survie

Libération, France, 28 février 2006.

Jeudi, l’Organisation internationale du travail (OIT) a voté, à la quasi-unanimité, une première mondiale. Par 314 voix pour, aucune contre et quatre abstentions, les représentants des 178 pays du Bureau international du travail, des armateurs et des salariés, ont adopté un code du travail mondial pour les 1 200 000 marins de la planète.

Ce bill of rights (charte des droits) couvre la santé, la sécurité, l’âge minimum pour travailler, le recrutement, les horaires de travail, le logement à bord ou la protection sociale. On y trouve aussi une recommandation de salaire minimum (la norme OIT est fixée à 500 dollars), reprise d’une convention internationale existante. S’il ne présente pas de grande innovation de fond, il réunit et actualise plus d’une soixantaine de conventions, datant pour certaines de 1920, et dont bon nombre n’étaient jamais entrées en vigueur faute de ratification. « Toute la difficulté de ce chantier de quatre ans a été de faire travailler ensemble plus d’une centaine de pays, connaissant des très fortes disparités au niveau économique et social », dit Guy Sulpice, directeur d’armateurs de France en charge des affaires sociales. Les plus gros pavillons mondiaux, comme Panama ou le Liberia, guère zélés en matière de ratification jusqu’à présent, ont manifesté leur intention de la signer, et donc de signer d’un bloc pour ce large catalogue de normes sociales. La Chine et l’Inde pourraient en faire autant. Dans tous les cas, la ratification du texte (qui a besoin de 30 signatures représentant 33 % du tonnage mondial) devrait être obtenue. L’approbation des 25 Etats européens est en effet considérée comme acquise.

« Bolkesteinisé ». En soi, il n’est pas étonnant que le secteur maritime serve de cadre à cette première. Activité mondialisée par excellence, ignorant toute notion d’attache territoriale, le secteur jouit aussi d’un cadre social hors norme : les marins sont rémunérés selon le principe de leur pays d’origine. Une sorte de secteur « bolkesteinisé » à l’échelle planétaire, qui a connu, avant tous les autres, la loi du dumping social. Dans ce vote, marqué par une standing ovation, de la « solennité et beaucoup d’émotion », selon un participant, l’OIT veut aussi voir le début d’un rééquilibrage des rôles vis-à-vis de l’OMC, l’affirmation d’une volonté de concourir à une mondialisation juste à travers la défense du « travail décent ». (...)

Dorénavant, chaque Etat aura la responsabilité de délivrer une certification sociale des navires battant son pavillon attestant du respect par l’armateur des normes sociales de la convention. C’est ce certificat qui pourra désormais être contrôlé dans les ports, avec des pouvoirs supplémentaires pour les pays d’escale.

Sanction financière. Grande innovation, un navire pourra être immobilisé, sanction financière non négligeable, s’il déroge à ces règles minimales, et ce, même si le pays sous le pavillon duquel il navigue n’a pas ratifié la convention. (...)

Par Cédric MATHIOT

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