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Mascarade électorale au Congo - La France doit suspendre sa coopération sécuritaire !

Publié le 17 mars 2016 - Survie

Ce dimanche 20 mars aura lieu l’élection présidentielle anticipée en République du Congo, où Denis Sassou Nguesso, déjà sur le podium des dictateurs françafricains les plus criminels et les plus corrompus, concourt désormais aussi pour le prix de la longévité au pouvoir, avec un indiscutable soutien français.

A cette occasion, Survie publie un dossier [1] sur la coopération militaire de la France avec le Congo, un pan particulièrement méconnu et scandaleux des relations entre les deux pays.

Avec une nouvelle Constitution sur mesure (abrogeant la restriction du nombre de mandats et la limite d’âge) promulguée le 6 novembre 2015 à l’issue d’un référendum frauduleux, le président sortant Denis Sassou Nguesso, au pouvoir depuis trente-deux ans cumulés, compte bien abréger la mascarade électorale dès le premier tour. La contestation de cette parodie de référendum a pourtant donné lieu à une mobilisation historique de la population congolaise, violemment réprimée (la police tirant à balles réelles sur la foule et faisant au moins 46 morts et plus de 60 blessé.e.s selon les recoupements d’organisations de la société civile congolaise, et arrêtant arbitrairement des opposants politiques et des militants de la société civile, jusque plusieurs semaines après). 

Dans ce contexte particulièrement tendu, la France se distingue par son silence sur les exactions commises et par la poursuite de ses relations diplomatiques avec le Congo, signes d’un soutien au régime. En pleine répression des manifestations, Laurent Fabius recevait même au Quai d’Orsay le ministre congolais des Affaires étrangères, tandis que François Hollande affirmait le 21 octobre 2015 : « Le président Sassou peut consulter son peuple, ça fait partie de son droit, et le peuple doit répondre » - plantant ainsi un véritable « coup de poignard dans le dos » des Congolais, selon l’expression employée par le militant des droits de l’Homme Brice Mackosso, venu à l’invitation de Survie présenter à Paris en novembre 2015 les mobilisations de la société civile contre le coup de force électoral de Sassou. Suite à l’annonce de résultats fantasques, l’Elysée se contenta de "prendre note" des résultats du référendum et de signaler à demi-mot un doute sur la participation.

Au-delà de ce silence, les autorités françaises maintiennent la coopération militaire avec ce régime criminel [2]. La violence est pour ce dernier un moyen habituel de conservation du pouvoir. Mais pour Paris, qu’importe : en vigueur depuis 1974, l’accord de coopération militaire entre la France et le Congo-Brazzaville est régulièrement actualisé par de nouvelles conventions. Cela a encore été le cas en 2015, d’une part pour encadrer la formation, l’entraînement et l’organisation du commandement opérationnel des forces armées, et d’autre part pour mettre à disposition du commandant de la gendarmerie nationale un nouveau conseiller français, le lieutenant-colonel Eric Misserey. Ce sont pourtant ces mêmes forces de l’ordre qui ont tué des dizaines de civils fin octobre.

Pour Thomas Noirot de l’association Survie, "Poursuivre cette coopération militaire et sécuritaire avec un régime aussi répressif engage la responsabilité de l’exécutif français, même de façon indirecte, dans la répression qui frappe la population congolaise. Les coopérants et responsables militaires français présents au Congo ne peuvent ignorer les pratiques d’une armée qu’ils contribuent à former et qu’ils conseillent. Cela contribue à alimenter un sentiment d’impunité totale et à terroriser une population qui sait que la position officielle de la France compte : le gel de cette coopération est donc une urgence". 

Ce soutien criminel s’explique par la volonté de préserver la position économique de la France, premier partenaire commercial du Congo [3] . Ces intérêts économiques s’articulent avec des enjeux militaires replacés au cœur de la relation historique entre la France et le régime dictatorial de Sassou, dont elle met en avant le rôle clef en matière de sécurité dans la région (en Centrafrique notamment). 

Survie qui publie aujourd’hui le volet "Congo" de son rapport à paraître sur la coopération militaire française avec quatre régimes dictatoriaux qui ont une échéance électorale prochaine (Congo, Djibouti, Gabon, Tchad), exhorte le gouvernement français à :  
 suspendre sa coopération militaire et policière avec le Congo-Brazzaville
 condamner publiquement la violente répression qui a précédé et suivi le référendum du 25 octobre et contribuer à la mise en place d’une commission d’enquête internationale sur ces violences des forces de l’ordre
 réformer en profondeur sa politique et sa coopération militaire en Afrique

[2Comme en témoignent l’effroyable guerre civile de 1997 et 1999 au cours de laquelle Sassou, appuyé par Elf et l’Elysée, a reconquis par le sang un pouvoir perdu par les urnes en 1992 ; ou l’affaire des 353 disparus du port du Beach de Brazzaville en 1999, pour laquelle le président congolais et plusieurs de ses proches sont poursuivis pour crimes contre l’humanité

[3Total extrait 60 % du pétrole congolais, Rougier exploite un demi-million d’hectares de forêt, Bolloré a obtenu en 2009 la concession du port de Pointe-Noire pour 27 ans...

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