Survie

Un an après le discours du Cap

Réforme de la présence militaire en Afrique, un an après : Cap ou pas Cap ?

Publié le 27 février 2009 - Plateforme Citoyenne France-Afrique

Paris, le 27 février 2009

Réforme de la présence militaire en Afrique, un an après : Cap ou pas Cap ?

Il y a un an, à l’occasion d’un déplacement en Afrique du Sud, Nicolas Sarkozy annonçait la
renégociation des accords de défense liant la France à huit pays africains et promettait un contrôle
accru du Parlement français sur les opérations extérieures, quelques jours à peine après l’appui
logistique fourni par l’armée française aux troupes tchadiennes confrontées à une rébellion.
Des promesses encourageantes mais insuffisantes, sans feuille de route précise avaient alors constaté
les organisations de la Plate-forme citoyenne France-Afrique [1]. Celles-ci dressent aujourd’hui un bilan
très mitigé de cette réforme qui malgré les timides aménagements apportés à l’article 35 de la
Constitution, peine à entrer dans la phase opérationnelle.

Les inquiétudes et insatisfactions de la Plateforme citoyenne France-Afrique portent en particulier sur :

 la promesse de révision et de publication des accords de défense
A ce jour, la « remise à plat annoncée » n’a toujours pas eu lieu. Le calendrier envisagé initialement
par la diplomatie française (inférieur à un an) n’a pas été respecté et le rôle du Parlement dans ce
processus reste largement flou (consultation ou simple information ?).

 l’extension nécessaire de la renégociation aux autres accords de coopération militaire
Les accords de défense ne concernent que 8 pays africains [2] et rien ne semble envisagé pour les
autres pays avec lesquels la France a tissé de nombreuses relations de coopération militaire,
policière, de gendarmerie (etc.) qui nécessitent également un réexamen. Le Tchad, par exemple,
où stationnent depuis 1986 les troupes de l’opération Epervier n’est pas lié à notre pays par un
accord de défense.

 le redéploiement de l’armée française en Afrique
Plus qu’une vraie volonté de mettre fin à un interventionnisme unilatéral, il s’agit pour la France de
passer d’une logique de cantonnement à une logique de projection de forces et de réaliser des
économies budgétaires substantielles. A ce jour, si certaines casernes sont amenées à être
fermées (en Côte d’Ivoire et peut être au Sénégal ou au Gabon), le positionnement permanent de
soldats dans des bases militaires françaises en Afrique n’est pas remis en cause.
Il est pourtant aujourd’hui indispensable de concevoir la politique française de Défense dans un
cadre multilatéral et de faire de l’Europe un partenaire majeur de l’Afrique en matière de paix et de
sécurité. Nos organisations ont pris acte des engagements de la diplomatie française en ce sens
mais réclament des processus de décision collective émancipés de l’influence excessive de
certains Etats-membres ayant des intérêts géostratégiques à défendre.

  le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix
La volonté affichée de privilégier le renforcement des capacités africaines au détriment des
interventions directes n’est pas une nouveauté et faisait partie des objectifs du redéploiement
militaire français amorcé en 2005. L’absence de politique française de promotion des droits de
l’Homme et de la démocratie dans un certain nombre de pays africains pose cependant clairement
la question de l’opportunité de maintenir des relations militaires avec leurs régimes [3] , le soutien
apporté à ces derniers, qualifié à tort de « doctrine de la stabilité », étant par ailleurs loin de
constituer un élément de maintien de la paix.

 le contrôle du parlement français sur les opérations militaires.
Réclamé depuis longtemps tant par les parlementaires que par la société civile, il a fait l’objet d’un
article de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 et permet aux parlementaires de se
prononcer sur le maintien d’une opération militaire d’une durée supérieure à 4 mois comme ce fut le
cas le 28 janvier dernier ou d’être informé avant chaque nouvelle opération. Malheureusement, ce
contrôle, opéré a posteriori, encadré par des modalités de débat très limitées ne fait pour l’instant
du Parlement qu’une simple chambre d’enregistrement des décisions gouvernementales.

Nicolas Sarkozy, attendu sur le continent africain à la fin du mois de mars, sera-t-il politiquement
capable de mettre réellement en œuvre les engagements pris au Cap et de prendre le contre-pied
de la politique interventionniste et favorable aux régimes autoritaires poursuivie jusque là ? Ce n’est
qu’à cette condition que nous pourrons véritablement entrer dans l’ère d’une politique de la France
en Afrique responsable et transparente, souhait exprimé dans le Livre blanc [4] publié par nos
organisations à la veille du discours du Cap, dont les préconisations en matière de droits de
l’Homme, de démocratie, de transparence et de contrôle de la politique de la France en Afrique
restent encore largement d’actualité.

Contacts :

Association Survie :
Fabrice Tarrit ou Stéphanie Dubois de Prisque
01 44 61 03 25
fabricetarrit(a)orange.fr ou stephanie.duboisdeprisque(a)survie.org

Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement :
Zobel Behalal
01 44 82 81 85
z.behalal(a)ccfd.asso.fr

Oxfam France-Agir Ici :
Magali Rubino
01 56 84 24 40
mrubino(a)oxfamfrance.org

[1La plate-forme citoyenne France-Afrique regroupe une dizaine d’ONG françaises : ATTAC, Action des Chrétiens pour l’Abolition
de la Torture (ACAT-France), Centre de Recherche et d’Information pour le Développement (CRID), Comité Catholique contre la
Faim et pour le Développement (CCFD), Cedetim/Ipam, Mouvement de la paix, Oxfam France – Agir ici, Peuples Solidaires,
Réseau Foi et Justice Afrique Europe (Antenne France), Secours Catholique / Caritas France, Survie.

[2- les 8 accords de défense à renégocier sont ceux signés après les indépendances avec la Côte d’Ivoire, le Cameroun, le
Gabon, Djibouti, la RCA, le Sénégal, le Togo et les Comores

[3Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas dit lui-même au Cap que « le meilleur garant de la paix et de la sécurité en Afrique comme partout
ailleurs, c’est la démocratie et la justice

[4Livre Blanc pour une politique de la France en Afrique responsable et transparente, paru aux éditions L’Harmattan.

a lire aussi