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Cameroun : Message de Pius Njawe

Publié le 3 septembre 2003 (rédigé le 3 septembre 2003) - Pius Njawe

Chers Amis, bonjour !

Une fois de plus, j’ai besoin de vous pour me défendre contre l’injustice et l’arbitraire. Vous vous souvenez que le 23 mai dernier, les forces de sécurité composées d’éléments de la police, de la gendarmerie et de l’armée, assiégeaient les locaux de Freedom FM, la radio de notre groupe, qui avait annoncé le démarrage de ses activités pour le 24 mai.

Quatre mois après, non seulement les négociations avec le ministre de la Communication sont bloquées malgré toutes les concessions que nous avons dû lui concéder, mais aussi et surtout les installations de la radio demeurent scellées, ce qui nous empêche de procéder à l’entretien des équipements exposés aux intempéries. Douala est en effet une région très humide, et ces investissements, qui s’élèvent à plus de 50 millions de francs CFA, pourraient déjà être hors d’usage à ce jour, ce d’autant que les scellés avaient été apposés alors que les travaux d’étanchéité n’étaient pas encore terminés.

Malgré toutes nos démarches aussi bien administratives que judiciaires en vue d’obtenir au moins la levée des scellés, rien n’y a fait. De plus nous sommes obligés de faire face, depuis quatre mois, à des charges locatives énormes alors que nous aurions pu libérer les locaux de nos équipements pour éviter cette situation ruineuse pour une entreprise presse qui, depuis 24 ans, tire quotidiennement le diable par la queue pour survivre dans un environnement fort hostile.
Au début de ce mois de septembre, nous avons dû, en désespoir de cause, saisir le juge des référés d’heure en heure dans l’espoir d’obtenir la levée des scellés en attendant de savoir quel sort le ministre de la communication réservera à notre radio. Après deux audiences où l’administration, prise en la personne du délégué provincial de la Sûreté nationale qui avait conduit les opérations de siège et d’apposition des scellés le 23 mai à Freedom FM, a brillé par son absence à la barre, l’affaire avait été mise en délibéré pour le 10 septembre ; mais ce jour-là, la juge Bahounoui a rabattu le délibéré et renvoyé à nouveau l’affaire au 19 septembre, « pour réquisitions du ministère public ». Pour qu’un délibéré soit rabattu (ce qui signifie la réouverture des débats) dans une affaire, il faut qu’il y ait eu entre l’audience où celle-ci a été mise en délibéré et celle au cours de laquelle le délibéré est rabattu, un ou des éléments nouveaux pouvant concourir à la manifestation de la vérité. Dans notre cas, il s’agit des réquisitions du procureur de la République, lequel a eu tout le temps de réquérir dans l’affaire avant sa mise en délibéré.

Tout laisse ainsi penser que la diligence de la juge inquiète le pouvoir par rapport à la décision qu’elle pouvait rendre le 10 septembre, et qu’elle aurait été sinon rappelée à l’ordre, du moins « priée » de rouvrir les débats pour permettre au ministère public d’exprimer dans ses réquisitions la position de l’État. Ce qui ne nous inquiéterait pas outre mesure, si l’affaire n’était renvoyé à une date aussi lointaine, s’agissant de référé d’heure en heure ! De plus, la loi n’imposant pas de délai au ministère public, procureur de la République pourrait très bien demander à l’audience du 19 septembre que l’affaire soit à nouveau renvoyée pour des raisons qu’il pourrait invoquer, mais davantage pour rester dans la logique du dilatoire qui caractérise le dossier Freedom FM au ministère de la Communication depuis quatre mois. Il semble en effet qu’on veuille faire traîner notre dossier jusqu’à la prochaine élection présidentielle en octobre 2004 !

Mais c’est un autre aspect du problème que nous aborderons plus tard. L’essentiel et le plus urgent pour l’heure étant de les amener à libérer les équipements pour permettre leur entretien.

Cette situation constitue pour nous une discrimination et un règlement de compte envers un groupe de presse qui, depuis 24 ans, résiste à la compromission pour garder son indépendance. Je vous remercie d’avance pour la mobilisation que nous devons faire ensemble autour de cette affaire, afin d’obtenir au moins la levée des scellés pour que nous sauvions ce qui reste de nos équipements.

Je reste à votre entière disposition pour toute information complémentaire.

Pius N. Njawé

Cameroun

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