Survie

L’Armée française assure-t-elle la formation d’anciens tortionnaires djiboutiens à l’Ecole de Guerre à Paris ?

Publié le 16 mars 2006 - ARDHD, Survie

Selon des informations concordantes, le Lieutenant-Colonel Zakaria Hassan Aden, de la Gendarmerie djiboutienne, serait présent à Paris pour suivre jusqu’en mai 2006, les cours de l’Ecole de Guerre.

Cette école accueille des Officiers qui ont été sélectionnés et qui se préparent à recevoir une promotion, qui les conduit généralement au sein des Etats-Majors.

Compte-tenu du passé du Lieutenant-Colonel Zakaria qui fut responsable pendant de nombreuses années de « l’escadron de la torture à Djibouti », les Associations signataires de ce Communiqué sont indignées par sa présence sur le sol français et par le fait qu’il puisse bénéficier d’un enseignement délivré par des Officiers français (voir Annexe ci-dessous).

Nous soulignons que cette affaire intervient dans un contexte particulièrement dramatique à Djibouti où : plusieurs syndicalistes sont harcelés, torturés et incarcérés sans qu’aucune charge juridiquement établie n’ait été retenue contre eux, une vingtaine de jeunes de la région Afar ont été arrêtés et conduits dans les locaux de l’Ecole de Police de Nagade,

Nous rappelons également les obstacles qui sont dressés pour retarder l’action de Mme Elisabeth Borrel et des Juges d’instruction pour établir la vérité sur la mort de son mari, le juge Bernard Borrel assassiné à Djibouti le 19 octobre 1995, et la fin de l’impunité dont bénéficient les coupables de cette disparition.

Enfin, nous constatons qu’après la brève rencontre de Dominique de Villepin avec Ismaël Omar Guelleh (fin février), la France s’est engagée à doubler pratiquement, pendant les cinq prochaines années, l’aide financière annuelle qu’elle lui accorde, confirmant par ce geste le soutien que le Président de la République française accorde à ce régime dictatorial.

En conséquences, nos associations demandent aux autorités françaises de vérifier d’urgence la présence du Colonel Zakaria à l’école de guerre, d’y mettre fin immédiatement et de fournir toutes explications permettant de comprendre comment il a pu y être admis. Elles leur demandent de prendre des mesures susceptibles d’empêcher qu’une telle situation puisse se produire à l’avenir et d’en rendre compte publiquement. Plus largement nos associations demandent aux autorités françaises de mettre fin à toutes mesures pouvant constituer un soutien au régime dictatorial d’Ismaël Omar Guelleh.

ANNEXE

Zakaria Hassan Aden a été responsable de l’Escadron de la torture

Après des études à la faculté de Poitiers, il a intégré la Gendarmerie djiboutienne.

Avec le grade de Lieutenant, puis de Capitaine, il s’est illustré comme responsable de la torture à la sinistre Villa Christophe où sous les ordres du Capîtaine Yonis Hoch, il exerçait ses talents sur ses concitoyens. Nous disposons de plusieurs témoignages écrits et édifiants de rescapés, qui décrivent les sévices auxquels il les a soumis. [1]

Lien : http://www.ardhd.org/torture.asp

Plusieurs fois cité dans le cadre de l’affaire Borrel

En 1995, il est responsable de la brigade des enquêteurs qui seront chargés des premiers constats après le décès du Juge Bernard Borrel : on peut imaginer qu’il a appliqué les ordres transmis par sa hiérarchie pour accréditer la thèse du suicide qui a été balayée récemment par des experts médicaux indépendants.

Il passe Commandant. En mai-juin 2002, c’est lui qui dirige le « commando de la mort » qui est lancé contre l’ancien Chef de la Garde républicaine Ali Iftin, réfugié à Addis Abeba  [2]. Après plusieurs courses poursuites dans la capitale éthiopienne, il n’hésitera pas à faire exploser une bombe dans un hôtel, où il pensait qu’Ali Iftin était réfugié. Contraints à rentrer à Djibouti par les services éthiopiens, il avait fort heureusement échoué dans sa mission.

[1Trois extraits de témoignage manuscrits en possession de l’ARDHD

Extrait du témoignage N°1 : M. ALI ROBLEH DARAR Prisonnier politique détenu à Gabode depuis août 1996

Au cours de mon interrogatoire, le colonel Mahdi Cheikh Moussa, commandant de la gendarmerie nationale et membre de la famille du président Gouled, a ordonné aux lieutenants Zakaria Hassan et Mohamed Adoyta qui en étaient chargés de me torturer d’une manière intense.

Le lieutenant Mohamed Adoyta a refusé de me torturer, mais mes co-détenus ont été tous torturés cruellement. Ces derniers ont subi : - coups de pieds - coups de matraques - coupes de crosse de pistolet - étouffement à l’aide de l’eau mélangée au javel (système de balançoire) (...)

Extrait du témoignage N°2 : M. ADEN SAID HARED Prisonnier politique détenu politique à Gabode depuis sept. 1998

Je soussigné Aden Saïd Hared né le 13 janvier 1969 à Wéa-Djibouti, célibataire, déclare :

J’ai été arrêté le mercredi 23 septembre 1998 vers midi à Wéa par les gendarmes de la brigade Arta-Wéa. Ils m’ont incarcéré dans des cellules pleines d’urine, sans courant d’air, ni électricité.

J’ai passé une semaine d’interrogatoire permanent, ils m’ont interrogé sans relâche. J’ai subi toutes sortes de tortures (balançoire, étouffement avec un mouchoir imbibé de javel, ...).

Depuis ces temps jusqu’à ce jour, j’ai des problèmes d’ouie, de vue, et mentalement je ne me sens pas bien.

Le 1 er octobre 1998 ils m’ont présenté devant le juge et je n’ai pas manqué d’exposer ma douleur. Mais aucune démarche n’a été fait suite à ma déclaration.

Toute cette opération est dirigée par le capitaine Zakaria. (...)

Extrait du témoignage N° 3 : M. ELLEYEH AMIN OBSIEH, Prisonnier politique détenu à Gabode depuis sept. 1998

Je soussigné Elleyéh Amin Obsieh né en 1959 à Cheikheyti (district de Dikhil), père de deux enfants, de nationalité djiboutienne, employé comme gardien chez Ismaël Guedi Hared, l’ancien directeur de cabinet de la présidence aujourd’hui opposant pour avoir refusé de cautionner la tyrannie.

Je déclare sur l’honneur que : j’ai été arrêté mercredi 28 août 1996 vers six heures du matin par la gendarmerie de la brigade d’Arta. J’ai été torturé de plusieurs manières pendant dix jours. Ils m’ont fait subir l’étouffement avec une serpillière imbibée de javel, des coups de crosses, des coups de pieds au ventre... J’en ai gardé des séquelles et j’ai même craché du sang.

Les soldats qui m’ont torturé étaient commandés par le capitaine Zakaria de la gendarmerie nationale.

J’ai été relâché le 3 août 1996 vers 10 heures sans me présenter devant la justice. J’ai été soigné à la clinique pendant une dizaine de jours. J’ai déposé une plainte auprès de la Justice mais aucune démarche n’a été lancée. (...)

[2Ali Iftin avait été contraint, sous des menaces de mort à l’encontre de ses enfants, de signer devant notaire un faux témoignage pour protéger Guelleh contre les soupçons de commandite du meurtre du Juge qui pèsent sur lui.

Très rapidement ensuite, Ali Iftin avait pris la fuite et il s’était réfugié à Addis Abeba où il attendait un visa pour entrer en France et pour témoigner librement dans le cadre de l’affaire Borrel. Visa que la France ne lui accordera jamais en dépit de toutes les alertes émises par plusieurs Associations. (Nouvel obstacle dans l’instruction de l’affaire ? Volonté gouvernementale de protéger Guelleh ?).

C’est la Belgique qui le lui établira finalement. Aussitôt arrivé sur le sol belge, il avait dénoncé les pressions dont il avait été victime et il avait rétabli la vérité avant de porter plainte contre Me Martine et Hassan Saïd, le puissant chef de la SDS, pour subornation de témoin. L’affaire est instruite à Versailles, en marge de l’affaire Borrel qui est instruite à Paris.

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