Survie

Ubu djiboutien et les caprices de Madame

Publié le 14 juin 2004 - Survie

Djibouti est une caricature de dictature françafricaine, protégée par la plus importante base française en Afrique. De courageux opposants tentent d’y insérer les fonctionnements démocratiques (élections pluralistes et presse libres), au prix souvent d’incarcérations prolongées dans la sinistre prison de Gabode. L’un des plus connus de ces opposants est Daher Ahmed Farah (surnommé DAF), également directeur d’un journal local, Le Renouveau. Lui-même a connu la prison pour des motifs ubuesques. Comme cela n’a pas suffi à l’intimider (il rencontre en ce moment des exilés djiboutiens en Europe), le dictateur Ismaël Omar Guelleh et son épouse ont résolu de s’en prendre à sa famille - son frère en l’occurrence.

Le mardi 8 juin, Houssein Ahmed Farah, lui-même opposant et journaliste au Renouveau, venait de suivre pour ce journal une manifestation des habitants du quartier d’Arhiba (Djibouti-Ville), réclamant la libération de six jeunes arbitrairement arrêtés - accusés de graffitis hostiles au pouvoir. Revenant du reportage, il croise la voiture de Kadra Mahamoud Haïd, épouse du Président, accompagnée d’un imposant cortège. La police suspend la circulation en l’honneur de Madame, et tous les automobilistes d’obtempérer. Accusé de ne pas l’avoir fait assez vite, Houssein Ahmed Farah est interpellé. Après avoir moisi pendant 5 jours dans une cellule policière, il a été présenté samedi 12 juin au substitut du procureur de la République au tribunal de Djibouti. Lequel l’a placé sous mandat de dépôt à la prison centrale de Gabode à la périphérie de la capitale, sous l’étrange chef d’accusation de « mise en danger du cortège de la première dame »…

Transféré à la prison de Gabode, il a été mis à l’isolement dans le bloc de cellules le plus inhumain, les « cellules 13 ». Il y fait plus de 45° à l’ombre en ce moment, l’eau n’y coule plus depuis longtemps, l’aération y est quasiment inexistante et une mare d’eaux usées l’entoure. Sans compter le bruit insupportable de la centrale électrique située à quelques mètres, juste de l’autre côté de la route. Il est privé de visites et de tout autre contact. Ses repas sont confisqués par les surveillants, qui sont de la police.

Ainsi va la « vie démocratique » dans les dictatures françafricaines reliées à l’Élysée par un cordon ombilical. Ce fil de finance et de « reconnaissance » fait le malheur des peuples concernés et met à la torture les démocrates. Survie dénonce le soutien de la France au couple Guelleh. Les dirigeants français sont clairement coresponsables des crimes commis par le pouvoir djiboutien. Ils peuvent ne pas en commettre un de plus en obtenant la libération de Houssein Ahmed Farah.

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