Survie

Accord de Ouagadougou : une élection, mais pas de solution

Publié le 8 juillet 2013 (rédigé le 3 juillet 2013) - Bernard Schmid

Tenir à tout prix le délai du 28 juillet pour l’élection présidentielle, non pas pour respecter le souhait des populations, mais pour redonner une apparence de légitimité à une oligarchie qui a largement contribué au déclin du pays : c’est le pari hasardeux que la France est en train d’imposer au Mali.

Le premier tour de l’élection présidentielle est toujours prévu le 28 juillet 2013, même si le président de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante), Mamadou Diamountani, a déclaré le 27 juin dernier que c’était « extrêmement difficile d’organiser » ce premier tour dans les conditions actuelles. Plus de 400.000 réfugiés et déplacés maliens vivent, à l’heure actuelle, loin de chez eux et elles.

Un « accord » au forceps

C’est dans ce contexte qu’il faudra placer l’accord intervenu le 18 juin 2013 entre le gouvernement transitoire en place à Bamako, et les groupes séparatistes MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad) ainsi que HCUA (Haut conseil pour l’unité de l’Azawad). Visiblement, d’ailleurs, ce sont ces groupes qui avaient plus d’intérêt à la signature de l’accord que les autorités de Bamako. Le MNLA avait mis sa signature sous le document dès le 10 juin, alors que le gouvernement malien s’y refusait encore pendant plusieurs jours. Le journal Le Monde (20 juin 2013) relate comment les choses se sont déroulées : le 12 juin, le ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso, Djibril Bassolé, se rendit à Bamako pour négocier avec les autorités maliennes. Or, même après six heures d’âpres discussions, celles-ci n’aboutirent pas encore. Il fallait, précise le journal, des « coups de fil de François Hollande et (du président burkinabè) Blaise Compaoré » en personne, pour faire pencher la balance.

Le vieil allié françafricain Blaise Compaoré et son gouvernement ont, à l’évidence, joué un rôle central dans le dénouement de cette négociation, qui s’est dès le début déroulée sous leur tutelle.

Le MNLA sanctuarisé à Kidal

La pomme de discorde principale entre le MNLA (et la France) d’un côté et le gouvernement malien de l’autre était, depuis plusieurs mois, l’occupation de Kidal. Cette ville dans le nord-est du Mali et la région du même nom étaient « libérées », à partir de février 2013, par les armées française et tchadienne – cette dernière a quitté la zone en mai dernier – ensemble avec le MNLA, mais interdites d’entrée à l’armée malienne. Ce qui posait un problème de plus en plus insupportable à de nombreux Maliens, dont beaucoup considéraient que l’élection présidentielle ne pouvait pas se tenir « si tout le territoire national du Mali n’est pas libéré ». Début juillet, soit quinze jours après la signature de l’accord de Ouagadougou, ni l’armée malienne, ni l’administration n’étaient à Kidal.

C’est pour libérer le chemin qui doit conduire à l’élection, que la France et son allié burkinabè ont exercé une forte pression sur les autorités maliennes afin qu’elles acceptent la conclusion de cet accord. Celui-ci stipule à son article 2 : « Les Parties acceptent l’organisation de l’élection présidentielle sur toute l’étendue du territoire », donc aussi dans la région de Kidal.  Ce point est d’ailleurs le plus concret de tout l’accord, correspondant à l’intérêt principal que les puissances tutélaires française et burkinabè liaient à sa conclusion.

Pour le reste, l’objet de l’accord reste assez flou. Les parties signataires promettent à l’article 3 : «  Après l’élection du Président de la République et la mise en place du Gouvernement, les Parties conviennent d’entamer un dialogue inclusif pour trouver une solution définitive à la crise. » En attendant ce futur dialogue envisagé, les groupes armés (et notamment le MNLA) ne sont pas désarmés, bien que l’article 6 dise que leur désarmement « est accepté par tous ». Mais en attendant les discussions à venir, ces groupes armés sont « cantonnés » sur des sites particuliers, sans pour autant se séparer de leurs armes, « sous la supervision de la MINUSMA » (la Mission des Nations Unies au Mali) et « avec le concours initial de la Force Serval  » française.

La paix repoussée aux calendes françaises

En même temps, l’armée malienne pourra rentrer dans la région de Kidal ; il est question de son « déploiement progressif (…) dès la signature du présent Accord, en étroite coopération avec la MINUSMA et la Force Serval » (article 11). Par ailleurs, il a été annoncé que l’armée française sera stationnée dans la zone de l’aéroport de Kidal, en vue de séparer les deux parties armées potentiellement hostiles : l’armée malienne d’un côté, le MNLA de l’autre. Pour le reste, l’article 21 promet : « A l’issue de l’élection présidentielle et soixante jours après sa mise en place, le nouveau Gouvernement du Mali (…) entamera, avec l’accompagnement de la communauté internationale, des pourparlers de paix avec toutes les communautés du nord, les signataires ainsi que les groupes armés (…) ».

Rien n’est donc résolu pour le moment, ni la question du désarmement des groupes armés ni le risque d’une balkanisation du pays. Mais la France pourra se targuer du fait d’avoir pu imposer la date des élections, et garde deux fers au feu : la coopération avec les autorités du Mali, mais aussi celle avec le MNLA. 

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