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France-Mali : les militaires remportent leur guerre d’influence au Parlement et à l’ONU

Publié le 29 avril 2013 - Survie

A l’unanimité et sans réel débat l’Assemblée nationale et le Sénat ont voté lundi 22 avril 2013 la prolongation de l’opération militaire française Serval au Mali. Cette prolongation permettra à la France de continuer son intervention au Mali, de prendre part au commandement de la mission MINUSMA, créée le 25 avril par l’ONU, et de disposer d’une force militaire parallèle à la mission onusienne. Ainsi, la France continuera de peser lourdement sur les choix politiques maliens, comme elle le fait actuellement, en poussant à l’organisation d’élections suivant un calendrier irréaliste et en incitant les autorités maliennes à négocier avec le MNLA.

Mis à part les contributions critiques et l’abstention des députés GDR, les prises de paroles des groupes parlementaires à la tribune le 22 avril ont essentiellement repris les « éléments de langage » fournis par l’armée française depuis le début du conflit. Sans surprise, les parlementaires membres des commissions de la Défense ont été les plus zélés dans la promotion de l’armée française, à commencer par la présidente de la commission de la Défense, la socialiste Patricia Adam, pourtant chargée de conduire une mission parlementaire de suivi de l’opération Serval dont on attend toujours les premiers travaux. L’opération est ainsi qualifiée par les députés de succès complet parce qu’elle aurait permis de stopper la descente des "islamistes" sur Bamako et de restaurer l’intégrité du territoire du Mali (à l’exception des zones qui échappent encore à l’armée malienne) mais surtout parce qu’elle aurait fait la démonstration du savoir-faire de l’armée française en terre africaine et du caractère "indispensable" de ses bases militaires permanentes. Ainsi, dans le Livre blanc de la défense qui est remis à François Hollande aujourd’hui, l’intérêt de disposer de forces prépositionnées en Afrique est réaffirmé. Cette guerre a, selon Laurent Fabius, «  […] renforcé d’une façon singulière la puissance d’influence de la France » !

La guerre déclenchée par François Hollande au Mali, a donc été utilisée par l’Armée française, avec la complicité de nombreux parlementaires, comme argument pour sanctuariser ses budgets et ses bases permanentes africaines, symboles du néocolonialisme français en Afrique, dont la pertinence était pourtant très fortement remise en cause ces dernières années.

Au delà des aspects militaires, l’alignement des députés sur les décisions de l’exécutif concerne également le volet politique. Hormis quelques réserves sur le respect du calendrier électoral imposé par François Hollande aux Maliens, malgré les nombreuses voix maliennes qui le jugent irréaliste et inapplicable, les députés se sont pour la plupart rangés aux scénarios politiques, économique (conditionnalités de reprise de l’aide, conférence des bailleurs co-présidée par la France) et diplomatiques imposés par Paris aux Maliens, au mépris de leur souveraineté.

La pression qu’exercent en France les militaires sur le pouvoir politique se vérifie également par la décision de la France de s’installer militairement de façon durable au Mali. La France a fortement appuyé la mise sur pied d’une mission de stabilisation de l’ONU au Mali, la MINUSMA, créée le jeudi 25 avril par la résolution 2100, lui permettant de garder en parallèle, sans limite de temps et sans contrôle onusien une force militaire autonome au Mali - soit en tout 1000 hommes à partir de fin 2013 selon les annonces du président. Pour contrôler la MINUSMA, la France souhaite placer des hommes dans son état-major et se reposera en toute confiance sur le chef des opération de maintien de la paix, le français Hervé Ladsous. Pire, le gouvernement français appuie ouvertement le souhait de l’armée tchadienne d’assurer le commandement de la MISMA. Ce soutien éhonté du gouvernement français au régime tchadien - comme celui des députés parmi lesquels certains ont salué l’engagement au Mali des troupes d’Idriss Déby - contribue ainsi à réhabiliter sur la scène diplomatique l’un des pires dictateurs du continent, très compromis dans la crise centrafricaine actuelle. Rappelons que l’opération supposée temporaire « Epervier » au Tchad, dure depuis 27 ans et qu’elle n’a jamais assuré que la stabilité de la dictature tchadienne.

Survie dénonce le renoncement des parlementaires à assumer leur mandat de contrôle de l’éxécutif, face à ces actes d’ingérence militaire et politique perpétrés par la France au Mali avec la complicité de l’ONU. L’association réitère sa revendication de mettre fin à la présence militaire française en Afrique, qu’il s’agisse de bases militaires ou d’ intervention sous commandement ou uniforme français.

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