Survie

Après l’échec de la Conférence de Doha, la France et ses partenaires doivent faire plus pour lutter contre la corruption (déc. 2009)

Le 9 décembre, journée mondiale contre la corruption, marque l’anniversaire de la signature en 2003 de la Convention des Nations Unies contre la corruption (UNCAC). La dernière Conférence des Etats parties à cette Convention, qui s’est tenue à Doha en novembre dernier, s’est soldée par l’adoption d’un mécanisme de suivi des engagements des Etats très en deçà des attentes de la société civile et des entreprises. Suite à cet échec, nous appelons les gouvernements, et notamment la France, à faire beaucoup plus pour répondre aux attentes des citoyens du monde entier quant à la pleine application des dispositions de la Convention.

L’échec de Doha laisse aux Etats le choix de respecter ou non leurs engagements pris au titre de la lutte contre la corruption

Les conséquences destructrices de la corruption sur la reprise de la croissance mondiale, sur le développement des pays du sud et les autres grands enjeux du XXIème siècle tels que le climat ou l’accès à l’eau, sont aujourd’hui largement reconnus. Pour autant, la Conférence de Doha est loin d’avoir répondu aux attentes qu’a fait naître l’adoption de la Convention UNCAC en 2003. L’échec de cette conférence est d’autant plus regrettable que l’expérience de la Convention OCDE contre la corruption avait permis de montrer l’utilité d’un mécanisme de suivi crédible [1]. Le mécanisme de suivi adopté à Doha ne rend pas obligatoires les dispositions qui permettraient de garantir l’application effective de l’UNCAC. Une mobilisation internationale s’était pourtant organisée pour appeler à un mécanisme crédible, intégrant des visites de terrain réalisées par l’équipe d’évaluation, la prise en compte dans les rapports finaux des recommandations du secteur privé et de la société civile et la mise en place d’un processus transparent (rapports et contributions non-gouvernementales accessibles au public).

Les Etats parties s’étant finalement mis d’accord pour la mise en œuvre d’un processus facultatif, il est essentiel que les pays comme la France, qui ont milité pour un mécanisme de suivi efficace, maintiennent et accentuent leurs efforts pour que l’harmonisation des pratiques des Etats se fasse par le haut. Nous appelons les autorités françaises à montrer l’exemple en appliquant l’ensemble des dispositions facultatives, et à œuvrer pour que les autres pays fassent de même.

Droit des victimes de la corruption : restitution des avoirs détournés et moyens de la justice

Le rapatriement au pays d’origine des avoirs volés aux populations, principe fondamental de la Convention UNCAC a déjà été appliqué (pour le rapatriement des avoirs de Ferdinand Marcos aux Philippines ou de Sani Abacha au Nigéria par exemple), mais les montants restitués restent infimes au regard des sommes détournées. Ce principe a fait l’objet d’une résolution décevante à Doha. En effet, la résolution adoptée se contente de formules générales dépourvues de caractère contraignant. Il est pourtant essentiel d’accélérer la mise en œuvre de la restitution des avoirs détournés afin de combattre l’impunité des dirigeants corrompus tout en évitant que l’argent volé ne trouve refuge à l’étranger. A cet égard, l’action des Etats contre les territoires non coopératifs appliquant un secret bancaire abusif apparait déterminante. En France, l’un des moyens pour faciliter les procédures de restitution serait de permettre aux associations spécialisées d’agir en justice. Cette réforme, pour laquelle plusieurs de nos organisations militent depuis 2007, permettrait aux associations d’apporter leur concours aux populations pour rapatrier les fonds publics détournés par des dirigeants corrompus.

Toujours sur le plan national, nous soulignons par ailleurs l’importance de veiller à ce que les magistrats chargés de l’ouverture et de la conduite des enquêtes soient totalement indépendants du pouvoir politique. Il s’agit là d’une condition essentielle pour que l’action de la justice soit engagée, y compris dans les dossiers politico-financiers susceptibles de gêner des dirigeants politiques ou économiques. Nous exprimons notre inquiétude suite à la remise le 1er septembre dernier au Président de la République, du rapport de la Commission Léger, qui propose de supprimer le juge d’instruction et de transférer les pouvoirs d’enquête au parquet, sans renforcer l’autonomie de ce dernier par rapport au pouvoir exécutif. Le Conseil de l’Europe, dans une résolution de son assemblée générale datée du 30 septembre dernier, a exprimé la même inquiétude [2] . Enfin, nous invitons le législateur à prendre en compte les conséquences possibles de la suppression annoncée des chambres régionales des comptes sur la détection des affaires de corruption.

Tout en nous félicitant du fait que la France ait soutenu nos recommandations sur le mécanisme de suivi à l’UNCAC lors de la conférence de Doha, nous rappelons ainsi que de nombreux efforts restent encore à faire pour promouvoir la transparence et l’intégrité en France et à l’étranger. C’est à ce prix que la France améliorera son image en la matière [3].

Contacts presse : Daniel Lebègue / Myriam Savy Tel. : + 33 1 47 58 82 08 transparence(a)transparence-france.org

A télécharger

Communiqué 9 décembre journée anti-corruption

[1Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales entrée en vigueur en 1999 : http://www.oecd.org/dataoecd/4/19/38028103.pdf

[2Voir la résolution de l’Assemblée générale du Conseil de l’Europe qui appelle la France à revoir le projet de suppression du juge d’instruction, afin d’éviter (de donner) l’impression que cette réforme vise à protéger la classe politique de tout contrôle judiciaire. http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2009/20090623_abusesJUR_E.pdf Voir également la déclaration commune des juges et procureurs des 47 pays du Conseil de l’Europe sur l’indépendance des procureurs rendue publique le 20 novembre dernier : https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?id=1542157&Site=COE&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864

[3L’indice de perception de la corruption 2009 montre que la France occupe toujours une place moyenne par rapport aux autres pays industrialisés : http://www.transparence-france.org/ewb_pages/div/Indice_de_Perception_de_la_Corruption_2009.php

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