Après le « One planet summit », le « One ocean summit » et autres « One forest summit », on sait qu’Emmanuel Macron affectionne les initiatives internationales où il peut se prétendre à l’avant-garde du combat pour la défense de l’environnement et du climat. Il ne dédaigne pas non plus d’apparaître comme le sauveur des économies des pays pauvres, comme lors du Sommet sur les économies africaines à Paris en mai 2021. Lors du dernier sommet qui s’est déroulé à Paris les 22 et 23 juin derniers, le président français entendait réconcilier les deux ambitions : permettre aux « pays émergents » (pour ne pas dire dominés) de lutter contre la pauvreté et « en même temps » d’affronter la transition énergétique. Il s’agissait de rien moins que de refonder « un nouveau pacte financier mondial », les Institutions de Bretton Woods ayant fait leur temps. Mission accomplie : un « consensus complet » s’est dégagé pour des « réformes en profondeur », a assuré Macron, et « la Banque mondiale et le FMI changent complètement de logique ». [1].
A-t-on assisté à une révolution démocratique dans les Institutions financières internationales ? À la reconnaissance d’une dette climatique due par les pays industrialisés ? À la réquisition des compagnies pétrolières et de leurs profits faramineux ? Pas vraiment… Il s’agissait plutôt de renouveler des promesses antérieures non tenues, comme celle des 100 milliards de dollars annuels (surtout des prêts) promis aux pays pauvres lors de la COP 15 de 2009. Et pour ce qui concerne l’Aide publique au développement, « pour un euro d’argent public, il faut mobiliser un euro d’argent privé », a souhaité Macron. Et pour cela, l’argent public doit servir à « enlever du risque » pour « tous les fonds souverains, tous les grands gestionnaires d’actifs, tous les fonds de financements privés » de manière à garantir « un certain niveau de profits » à leurs actionnaires. Une recette néolibérale (le « blending ») déjà à la mode depuis une dizaine d’années. Nul doute qu’en mobilisant l’argent public pour permettre aux actionnaires occidentaux de s’engraisser encore davantage, la planète s’en portera mieux et la pauvreté va reculer. Détail hautement symbolique, le sommet était organisé au Palais Brongniart, ancien temple de la Bourse de Paris. Pour faire bonne figure, Macron a également plaidé pour la création d’une taxe sur le transport maritime, sous réserve qu’elle soit internationale, qui sera certainement aussi efficace que la taxe Chirac sur les billets d’avions.
Deux pays africains sont censés illustrer les bénéfices du sommet pour les pays pauvres : la Zambie et le Sénégal. Le premier a « bénéficié » d’une « restructuration » de 6,3 milliards de dollars sur ses 32,8 milliards de dettes. Quant au Sénégal, il s’est vu promettre 2,5 milliards (quelle part de dons et de prêts ? Mystère...) de fonds publics et privés internationaux dans le cadre du « Partenariat pour une transition énergétique juste » afin de développer ses énergies renouvelables, lesquelles seraient tout à fait compatibles avec l’utilisation du gaz comme « énergie de transition », a encore expliqué Macron. Et qui va exploiter les hydrocarbures au Sénégal ? Entre autres, TotalEnergies qui, en 2017, avait récupéré un permis prometteur malgré une offre inférieure à celles de ses concurrents et sans doute grâce aux pressions de l’Élysée.
Maigre consolation : à l’occasion du concert organisé en marge du sommet, le nom de Macron a été hué à deux reprises tandis que celui des Soulèvements de la terre était applaudi.
Raphaël Granvaud
[1] Interview à RFI et France 24, 23 juin 2023