Survie

Eléments nouveaux apparus depuis la Mission d’information parlementaire de 1998 sur le Rwanda

Publié le 29 mars 2013 - Groupe Rwanda

Si cette mission d’information a eu le mérite de commencer à aborder un certain nombre d’aspects dérangeants du rôle de la France au Rwanda – il faut noter qu’il s’est agit de la première mission parlementaire de l’histoire de la Vème République où les députés ont tenté un début de contrôle (a posteriori) sur le fameux « domaine réservé de l’Elysée [1] » – certains éléments pourtant déjà connus à l’époque n’ont néanmoins pas été approfondis à leur juste mesure ou n’ont pas été traités du tout [2] au cours de cette mission.

Mais au-delà de cette limitation qu’il conviendrait donc de reprendre, de nombreux autres éléments sont apparus depuis 1998, qui à eux seuls justifient que les parlementaires achèvent le travail entamé, dont notamment :

  • Révélation en 2004 par Patrick de St Exupéry – à l’époque journaliste au Figaro – dans son livre L’Inavouable, après un travail d’enquête et de recueil de confessions d’officiers de l’état-major, qu’a été mis en place en France une structure de commandement militaire échappant au contrôle démocratique, et ne dépendant que du seul président de la République, pour traiter du Rwanda (création du COS, chaîne hiérarchique double, utilisation de la doctrine de la guerre révolutionnaire…) [3].
  • Témoignage en 2005 sur France Culture de l’adjudant-chef du GIGN Thierry Prungnaud [4], qui a servi au Rwanda en 1992 puis en 1994 pendant Turquoise, où il indique :
    • qu’il a vu en 1992 des militaires français former des miliciens civils rwandais ;
    • que la hiérarchie militaire avait expliqué aux soldats de Turquoise que c’étaient les Tutsi qui massacraient les Hutu ;
    • que lui-même et quelques membres du 13ème RDP ont du désobéir aux ordres pour aller sauver des victimes du génocide à Bisesero ;
    • que de retour à Paris, en voulant fournir une liste de noms de notables rwandais ayant organisé des massacres, on lui dit à l’état-major : « Écoutez, vous oubliez tout, vous ne vous rappelez de rien ».
  • En 2007, Olivier Lanotte rapporte le témoignage d’officiels français qui affirment que le COS a réalisé des missions d’exfiltration de Blancs à la fin du génocide, notamment au nord-ouest du Rwanda. Qui étaient ces hommes et que faisaient-ils au Rwanda ?
  • De nombreux autres témoignages de rescapés tutsi et d’ex-génocidaires – notamment dans le rapport de la Commission d’Enquête Citoyenne en 2004 et dans le rapport Mucyo en 2008 – concernant le rôle de militaires français avant et/ou pendant le génocide sont venus enrichir les accusations :
    • de contrôles ethniques aux barrières, y compris lorsque les Tutsi étaient mis à mort par les miliciens sous les yeux des soldats français, comme le rapporte un témoin pour des faits remontant à avril 1991,
    • d’avoir laisser les miliciens massacrer des personnes dont les militaires français avaient la charge de la protection,
    • d’actes de viols,
    • de meurtres.
  • En 2009, à propos de l’attentat contre le Falcon d’Habyarimana, on apprenait que la boîte noire retrouvée à Kigali en plein génocide, le 27 mai 94, et stockée depuis à l’ONU était un faux. Il s’agit en fait d’une boîte noire de Concorde d’Air France dont la bande sonore a été trafiquée. Qui a les moyens d’une telle manipulation ? Et dans quel but ?
  • En 2010, Richard Mugenzi (dont l’identité avait été tenue secrète par le TPIR jusque-là, et qui a pu être interviewé par le journaliste Jean-François Dupaquier) affirme que des militaires français, réguliers ou non, fournissaient des armes aux génocidaires à Gisenyi en passant par Goma.

[1Qui n’a rien de constitutionnel.

[2Nous ne mentionnerons pour l’exemple que le compte-rendu de la rencontre Huchon-Rwabalinda du 9 mai 1994.

[3Voir également l’ouvrage Une guerre noire de D. Servenay et G. Périès.

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