Survie

Falsifications autour du génocide des Tutsi

Publié le 16 décembre 2013 - Groupe Rwanda

L’intervention militaire française en Centrafrique et la mort de Nelson Mandela ont été l’occasion de plusieurs prises de paroles de journalistes ou hommes politiques français faisant allusion au génocide des Tutsi en 1994. Certaines de ces déclarations tendent à falsifier cette histoire ou à occulter le rôle des autorités françaises de l’époque.

Ainsi, Hubert Védrine, sur France Culture, oppose : «  le monde contemporain qui raisonne plutôt en termes, disons, de crimes imprescriptibles » [1] à la «  volonté de Mandela de construire la réconciliation, non pas par la vengeance sans fin, sous les aspects de processus judiciaires  », jetant ainsi le discrédit sur les démarches engagées pour obtenir la vérité et la justice sur plusieurs crimes contre l’humanité. Et, sur le site du Parisien, les propos de Bernard Kouchner commentant sur BFM TV la décision d’intervenir en Centrafrique et la justifiant « par la crainte d’un « nouveau Rwanda » » sont accompagnés de ce résumé du génocide : « en 1994 lorsque Hutus et Tutsis s’étaient entretués dans un génocide que la communauté internationale avait longtemps ignoré ».

Rappelons qu’au Rwanda en 1994 s’est déroulé le génocide des Tutsi, visant à les exterminer tous. Il a été préparé, organisé et mis en œuvre par un groupe de Hutu extrémistes s’accrochant à leur pouvoir, alliés à la France. La présentation des faits par les journalistes sur le site du Parisien reprend la thèse négationniste et fausse du « double génocide », tendant à relativiser le génocide bien réel qui a ciblé la seule population désignée comme Tutsi,

Loin d’avoir « ignoré » ce génocide, le président François Mitterrand a activement soutenu le pouvoir génocidaire. Hubert Védrine, à l’occasion de la remise de son rapport sur les relations économiques entre la France et l’Afrique, a osé affirmer au Nouvel Obs : « quand j’étais à l’Elysée, je m’occupais très peu d’Afrique ». Il était pourtant secrétaire général de l’Elysée : par ses mains passaient les messages de et pour Mitterrand sur le dossier rwandais, parfois presque tous les jours. Ce génocide, et la complicité des autorités françaises, font partie des rares crimes imprescriptibles : ils peuvent encore être poursuivis. L’usage du terme de « crimes imprescriptibles » par Hubert Védrine sur France Culture ne laisse pas planer d’ambiguïté quant aux faits auxquels il fait référence.

Il est indispensable de faire preuve de la plus grande rigueur dans l’évocation du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994. Nous devons combattre l’oubli que recherchent les responsables français de l’époque tels que Hubert Védrine, afin que la justice soit faite sur l’implication de Paris dans ce génocide.

[1France Culture, Le Monde selon Hubert Védrine, 06/12/2013 "Cette volonté de Mandela de construire la réconciliation, non pas par la vengeance sans fin, sous les aspects de processus judiciaires, mais par un processus de dialogue, ouverture, justice par la réconciliation, [...] c’est un choix extraordinaire parce que, dans le monde contemporain qui raisonne plutôt en termes, plutôt, disons, de crimes imprescriptibles, voyez, il a fait un choix différent qui est un choix que je trouve immensément éthique, mais surtout politique."

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