Survie

France-Rwanda : Colloque à l’Assemblée nationale

La démocratie française à l’épreuve du génocide des Tutsi

Publié le 8 avril 2009 - Survie

15 ans après le génocide des Tutsi, et malgré les travaux de la Mission d’information parlementaire de 1998, de nombreuses zones d’ombre planent encore sur les raisons et les modalités de l’engagement français au Rwanda, ainsi que sur les responsabilités individuelles qui ont amené notre pays à soutenir ceux qui préparaient puis commettaient le génocide. Au devoir de vérité, se couple un devoir de justice, qui doit permettre de juger ceux qui ont commis ce crime imprescriptible mais aussi ceux qui ont aidé à le commettre.

Enfin, il serait temps de tirer les leçons de cet épisode des plus ambiguës de la politique de la France en Afrique depuis l’indépendance de ses anciennes colonies, et d’instaurer un véritable contrôle parlementaire sur celle-ci, en particulier sur les opérations militaires extérieures.

Il en va de notre responsabilité de citoyens, pour les victimes du génocide et pour la bonne marche des institutions et de la démocratie françaises.

La France au Rwanda - Colloque à l’Assemblée Nationale (extraits)

Programme

13h30 à 13h45 Introduction par Odile Biyidi présidente de Survie

La France au Rwanda - Introduction du colloque

13h45 à 15h

La France au Rwanda : un engagement coupable

Modérateur : Olivier Thimonier, secrétaire général de Survie

- Les éléments constitutifs de la complicité française, avant, pendant et après le génocide

La France s’est engagée militairement, à partir de 1990, au côté du régime ethniste et corrompu de Juvénal Habyarimana confronté à une attaque du Front Patriotique Rwandais. Malgré la dérive génocidaire du régime et les diverses alertes sur les risques de génocide, la France a continué à soutenir les extrémistes hutu, les confortant dans la préparation de leur plan d’extermination.

Pendant le génocide, la France a continué à livrer des armes au Gouvernement génocidaire et à recevoir les dirigeants de celui-ci à Paris. Poursuivant son alliance, la France a exfiltré les principaux responsables du génocide sans mettre un terme aux massacres lors de l’opération « militaro-humanitaire » Turquoise.

Compte tenu de ces éléments, la France doit reconnaître son implication dans le génocide et tout mettre en œuvre afin que les responsabilités individuelles des dirigeants français soient identifiées.

La France au Rwanda - Les éléments de la complicités française

Intervenant : Raphaël Doridant, association Survie, coordinateur du livre La complicité de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda. 15 ans après. 15 questions pour comprendre, Survie, L’Harmattan, 2009.

- La France à l’ONU : complicité diplomatique avec les génocidaires

La France a été le premier pays à reconnaître le Gouvernement Intérimaire Rwandais (le GIR) maître d’œuvre du génocide et constitué au sein même de l’ambassade de France à Kigali, suite à l’attentat contre l’avion de président Habyarimana le 6 avril 1994. Siégeant au Conseil de Sécurité des Nations Unies en tant que membre non permanent, le GIR a alors bénéficié du soutien du représentant français pour relativiser le génocide en cours. La France a ensuite voté, comme l’ensemble du Conseil de Sécurité, la réduction des effectifs de la Minuar, abandonnant les victimes à leurs bourreaux. C’est à la fin du génocide et alors que le FPR était sur le point de prendre Kigali, que la France lança l’opération Turquoise sous l’égide de l’ONU. La défense des génocidaires par la France au sein du Conseil de Sécurité pose inexorablement la question des responsabilités de la communauté internationale dans le génocide.

La France au Rwanda – La France à l’ONU

Intervenant : Linda Melvern, auteur de Conspiracy to Murder. The Rwandan Genocide and the International Community, Verso, 2006

- Les diversions polémistes sur l’implication française au Rwanda ou la défense de l’« honneur » de la France

Le génocide des Tutsi a été reconnu par la communauté internationale au regard de la Convention de Genève de 1948. Planifié au plus haut niveau de l’Etat rwandais par les extrémistes hutu, il a fait près d’1 millions de victimes, massacrées sous le prétexte d’être Tutsi ou pour s’être opposés à cette extermination. Pourtant, diverses voix s’élèvent en France afin relativiser son existence. Théorie du double génocide, accusations en miroir faisant du Front patriotique rwandais (FPR) le responsable du génocide des Tutsi, réfutation de l’existence même d’un génocide, sont autant de diversions polémistes qui remettent en cause la réalité des évènements. Les chercheurs, journalistes, ou associations qui documentent l’implication française sont quant à eux qualifiés d’ « anti-France » ou de « pro-FPR ». En révisant le génocide, ces polémiques visent à défendre les responsables politiques et militaires français de l’époque susceptibles de comparaître pour complicité de génocide.

La France au Rwanda – Les diversions sur l’implication française

Intervenant : Patrick de St Exupéry, journaliste, auteur de L’inavouable. La France au Rwanda, les arènes, 2004

15h à 15h15 pause 15 min.

15h15 à 16h15

L’implication française au Rwanda et le devoir de justice

Modérateur : Jean-François Dupaquier, écrivain-journaliste

- La complicité de génocide en Droit : la France devant les tribunaux

Le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) définit la complicité de génocide comme suit : « [U]n accusé est complice de génocide s’il a sciemment et volontairement aidé ou assisté ou provoqué une ou d’autres personnes à commettre le génocide, sachant que cette ou ces personnes commettaient le génocide, même si l’Accusé n’avait pas lui-même l’intention spécifique de détruire en tout ou en partie le groupe national, ethnique, racial ou religieux, visé comme tel. ». En vertu de la loi du 22 mai 1996 qui donne compétence aux tribunaux français pour appliquer les statuts du TPIR, c’est cette définition de la complicité qui s’applique en droit français. A ce titre, des démarches peuvent être entreprises en France contre des responsables français, comme la plainte de victimes rwandaises auprès du Tribunal aux Armées de Paris, visant des militaires de l’opération Turquoise pour « complicité de génocide et crimes contre l’humanité ».

La France au Rwanda – La complicité de génocide en droit

Intervenant : Géraud de la Pradelle, professeur émérite de Droit international

- La France terre d’asile pour présumés génocidaires ?

Après avoir exfiltré plusieurs responsables du GIR, la France a également accueilli sur son territoire de nombreux présumés génocidaires, poursuivis pour génocide par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR). En France, des associations de rescapés et de défense des droits de l’Homme ont également porté plainte contre plusieurs d’entre eux. Toutefois, en 2004, la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme pour la lenteur de sa justice. En vertu de la compétence universelle des tribunaux français, l’Etat doit donner les moyens au Parquet de faire son travail, afin que les victimes rwandaises puissent enfin obtenir justice.

La France au Rwanda – La France terre d’asile pour présumés génocidaires

Intervenant : Alain Gauthier, Président du Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR)

- L’Adaptation partielle du statut de la CPI dans le droit français : un déni de justice

Conformément au statut de la Cour Pénale internationale (CPI), ratifié par la France en 2000, « il est du devoir de chaque Etat de soumettre à sa juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux ». Pourtant, la loi donnant compétence aux tribunaux français n’a toujours pas été votée. Bien plus encore, un amendement voté en 2008 par la majorité sénatoriale vide la compétence universelle de sa substance : les suspects doivent « résider habituellement » en France, tandis que seul le Parquet pourrait engager des poursuites et non plus les victimes elles-mêmes. Si cet amendement était entériné par l’Assemblée nationale, la France deviendrait l’un des rares pays à permettre aux criminels contre l’humanité, criminels de guerre et responsables de génocide de circuler en toute liberté sur son territoire. Les députés français, qui doivent examiner cette loi d’adaptation début 2009, ne doivent pas entériner ce recul manifeste de la France dans le domaine de la justice internationale.

La France au Rwanda – Adaptation CPI en droit français

Intervenant : Patrick Baudouin, Président d’honneur de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH) 16h15 à 16h30 pause 15 min. 16h30 à 17h10

L’implication de la France au Rwanda : la démocratie française en jeu

Modérateur : Fabrice Tarrit, secrétaire national Survie

- Réformer les institutions pour un réel contrôle de la politique de la France en Afrique

La Mission d’information parlementaire de 1998 sur la France au Rwanda a publié un volumineux rapport, riche en documents et en informations. Dans leur conclusion finale, les parlementaires français émettaient des recommandations en terme de contrôle parlementaire sur les opérations militaires extérieures (Opex) ou de réforme de la coopération avec les pays africains. Au regard de l’évolution de la politique de la France en Afrique depuis 1998, il apparaît que ces recommandations n’ont que très peu été suivies d’effets. Le Parlement n’est toujours pas associé à la décision d’engager des troupes françaises à l’étranger qui reste du domaine « réservé » du Président de la République, ni à la signature d’accord de défense qui lient pourtant la France à plusieurs pays africains. L’exemple de l’engagement de la France au Rwanda doit permettre de tirer des enseignements sur la nécessité d’instaurer un véritable contrôle parlementaire sur la politique étrangère de la France.

Intervenants : Pierre Brana, ancien député, co-rapporteur de la Mission d’information parlementaire de 1998, secrétaire de la Commission des Affaires étrangères et rapporteur du budget des affaires étrangères

La France au Rwanda – Réformer les institutions pour un contrôle parlementaire (2)

17h30 à 18h30 Conférence de presse

Avec le soutien de : la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), le Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les peuples (MRAP), le Collectif des Parties Civiles pour le Rwanda (CPCR), la Communauté Rwandaise de France, IBUKA-France, le Cedetim, l’Association Internationale de Recherche sur les Crimes contre l’Humanité et les Génocides (AIRCRIGE), Agir Ensemble pour les droits de l’homme, Observatoire des armements/CDRPC, Action des Chrétiens contre la torture (ACAT-France), Mémorial 98, l’Association DELTA France Solidarité pour le Dialogue Interculturel, et Peuples Solidaires.

a lire aussi