Survie

France-Rwanda Complicité de Génocide

Publié le 6 avril 2009 - Survie

France-Rwanda Complicité de la France dans le génocide des Tutsi 15 ans d’impunité

Communiqué, le 6 avril 2009

Le 7 avril 2009 est la commémoration du 15ème anniversaire du début du génocide des Tutsi du Rwanda, qui a fait entre 800 000 et 1 million de victimes, massacrées sous le prétexte d’être tutsi ou pour s’être opposées à cette extermination. Du fait de leur soutien aux génocidaires avant, pendant, et après le génocide, les autorités françaises s’en sont rendues complices. Quinze ans après, Survie réitère ses revendications en terme de vérité, de justice, et demande l’instauration d’un véritable contrôle de la politique de la France en Afrique. La France savait mais elle a soutenu les génocidaires Les autorités de notre pays savaient qu’un génocide pouvait survenir au Rwanda. Plusieurs massacres à caractère génocidaire avaient été organisés sous la responsabilité des autorités rwandaises notamment en octobre 1990, entre janvier et mars 1991, mars et août 1992, janvier 1993. Ces tueries ont constitué des répétitions du génocide à venir. Paris fut alerté dès l’automne 1990 par l’Ambassade de France à Kigali du risque d’une extermination des Tutsi ce qui fit confirmé par la suite par des responsables d’ONG et des diplomates étrangers. En janvier 1993, Jean Carbonare, alors président de Survie, était intervenu au journal télévisé de 20h sur France 2 pour alerter l’opinion et dénoncer les massacres organisés, parlant déjà de « génocide ». Mais la France ne fit rien. Au contraire, notre pays poursuivit son aide aux extrémistes qui préparaient le génocide. Ce soutien aux génocidaires continua après le 7 avril 1994 et pendant toute la durée du génocide. Il se perpétua même au-delà (voir annexe ci-dessous).

La nécessité de tirer les leçons de la complicité française dans le génocide Depuis 15 ans, nous, citoyens français, réclamons simplement la vérité, la justice, et que les leçons de ce drame soient tirées, ce qui doit induire un changement dans le fonctionnement de nos institutions.

Afin que toute la lumière soit faite sur la question, nous demandons la levée du secret défense sur tout ce qui se rapporte à l’action de la France au Rwanda et au génocide, et la création d’une Commission d’enquête parlementaire pour aller jusqu’au bout du travail entamé par la Mission d’information de 1998.

Nous réclamons l’instauration d’un contrôle parlementaire permanent et effectif sur la politique étrangère de la France. Nous demandons également la fin du « domaine réservé » de l’Elysée dans la gestion des relations avec les pays d’Afrique, relations qui doivent être gérées normalement par le ministère des Affaires étrangères.

Toutes les opérations militaires extérieures (Opex) - y compris des forces spéciales – doivent être soumises à une autorisation du Parlement. La récente mise au vote au Parlement du renouvellement des interventions militaires à l’étranger lorsque celles-ci dépassent 4 mois, si elle constitue une avancée, est très largement insuffisante.

Ces différents sujets seront abordés à l’occasion d’un :

Colloque à l’Assemblée nationale le 8 avril 13h30 - 17h30 « La démocratie française à l’épreuve du génocide des Tutsi »

Suivi d’une conférence de presse 17h30 – 18h30 Salle 6237. 126, rue de l’Université - 75007 Paris

Survie publie également un livre : La complicité de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda. 15 ans après. 15 questions pour comprendre L’Harmattan. Sortie le 8 avril 2009.

Contact presse : Stéphanie Dubois de Prisque stephanie.duboisdeprisque(a)survie.org Tel. : 01 44 61 03 25

Pour télécharger le communiqué :

France Rwanda Complicité de génocide CP Survie 6avril09

ANNEXE

Le secret défense continue de s’opposer à la recherche de la vérité. Malgré cela, ce qui est déjà connu est effarant, notamment :

• De 1990 à 1993, la France a formé l’armée rwandaise, laquelle forme les milices à tuer l’ennemi tutsi. C’est un officier français qui devient le conseiller militaire du président Habyarimana.

• Après le coup d’Etat des 6 et 7 avril 1994 (assassinats prémédités des responsables politiques démocrates) le Gouvernement intérimaire rwandais (GIR) qui va encadrer le génocide se constitue à l’ambassade de France à Kigali.

• Tout au long du génocide, la France continue de livrer des armes aux extrémistes hutu qui commettent le génocide, d’abord à Kigali puis ensuite via Goma au Zaïre. Ces achats d’armes sont notamment financés par des banques françaises

• A l’ONU, la France soutient le GIR, retarde la prise de décision d’embargo sur les armes ainsi que la qualification de « génocide » concernant les massacres en cours (à l’instar des Etat-Unis). Des représentants du GIR sont reçus très officiellement à l’Elysée, Matignon et au Quai d’Orsay, en plein génocide.

• Lors des différentes interventions militaires françaises (Amaryllis, Turquoise) l’armée française se distingue par sa passivité face aux massacres. Pendant l’opération Turquoise, certes quelques dizaines de milliers de Tutsi sont sauvés, mais dans de très nombreux cas, l’armée française n’intervient pas pour faire cesser les massacres (à Bisesero par exemple). Les milices ne sont pas désarmées. Le génocide ne s’arrête que dans les zones prises par le Front patriotique rwandais (FPR), pas dans la zone contrôlée par Turquoise.

• Des génocidaires (dignitaires du régime Habyarimana et du GIR, officiers membres du noyau dur des extrémistes) sont exfiltrés par la France vers le Zaïre ou vers d’autres pays, certains sont accueillis en France.

• D’autres, repliés au Zaïre, essaient de reformer une force militaire dans le but de reprendre le pouvoir au Rwanda, après la victoire du FPR. La France, qui contrôle l’aéroport de Goma, leur permet de se réarmer. La France aurait contribué à l’entraînement de génocidaires en Centrafrique et utilisé un contingent de génocidaires pour soutenir le coup d’État de Sassou Nguesso au Congo en 1997.

• En France, un courant révisionniste s’instaure, qui essaie de distiller l’idée qu’il y aurait eu deux génocides (sous-entendu la France se serait rangée d’un côté qui n’était pas pire que l’autre). Ce courant tente de faire du FPR (en l’accusant d’être l’auteur de l’attentat contre l’avion d’Habyarimana le 6 avril) le véritable responsable du génocide, à la place des génocidaires eux-mêmes.

• En 2004 à Paris, pour la 10ème anniversaire du génocide, les familles de victimes demandent à pouvoir se rassembler le 7 avril sur le parvis des droits de l’Homme, ce qui leur est refusé. Par contre, les autorités françaises donnent cette autorisation aux partisans du régime Habyarimana, le 6 avril.

• En 2005, six victimes rwandaises déposent auprès du Tribunal aux armées de Paris une plainte contre X visant des militaires français de l’opération Turquoise pour « complicité de génocide et crimes contre l’humanité ». Une information judiciaire est ouverte, malgré les obstructions du Parquet et ses tentatives de classer cette affaire.

• En 2007, au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le colonel de Saint-Quentin intervient pour la défense du colonel Théoneste Bagosora, le cerveau du génocide. La France a exigé que l’audition se fasse à huis clos, et que certaines questions puissent être récusées.

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