Survie

Violences meurtrières : l’expression d’un "ras-le-bol" généralisé

La répression brutale comme seule réponse

Publié le 3 mars 2008 - Survie

Depuis la fin du mois de janvier, les manifestations contre la réforme constitutionnelle supprimant la limitation des mandats présidentiels que projette Paul Biya se sont succédées à Douala.

En février, le pouvoir a fermé la télévision privée Equinoxe qui avait montré des images de ces manifestations. Le samedi 23 février, une manifestation interdite est dispersée mais l’embrasement spontané d’un quartier populaire de Douala tourne à l’émeute avec des barricades, des pillages et des destructions visant des édifices publics mais aussi, spécialement, les guérites du PMUC, société française gérant les paris sur les courses en France. Les forces de police tirent et font plusieurs victimes. Le lundi 25 février, la grève des taximen contre la hausse du prix de l’essence s’accompagne à Douala d’un redoublement des émeutes qui font encore plusieurs morts. La grève est totale dans les principales villes du Cameroun aussi bien pour les taxis que pour les motos-taxis. Le mardi, les taxis occupent les stations services pour empêcher l’approvisionnement des particuliers. Le mercredi 27, Yaoundé s’embrase à son tour. Le soir, le président Paul Biya fait à la télévision d’Etat une intervention pour menacer les émeutiers et dénoncer l’opposition qui serait derrière eux. Enfin, le 28, la police confisque tout le matériel de la radio Magic FM, qui avait le tort de donner la parole aux auditeurs.

Ces journées d’émeute ont fait officiellement une vingtaine de victimes. Le bilan réel dépasse certainement la centaine. L’armée a pris position en permanence aux principaux carrefours des grandes villes.
Outre les rafles de manifestants, parmi lesquels de simples passants, la police traque les « meneurs » dans les quartiers. La répression est brutale et devrait inquiéter les organisations internationales des droits de l’Homme. La surveillance de la population se fait plus étroite. Tous les procédés de la dictature sont en vigueur. Les journaux ont été convoqués par le ministre de la Communication pour leur intimer l’ordre de ne pas «  jeter de l’huile sur le feu », c’est-à-dire de s’abstenir de toute opinion critique.

En réalité, derrière ces émeutes, il y a les 25 années de gestion calamiteuse, faite de gabegie et de corruption, du régime Biya. Appuyé d’abord sur un parti unique hérité des années Ahidjo, puis sur des élections régulièrement et scandaleusement truquées, le pouvoir, voué uniquement à la conservation de ses prébendes, a laissé pourrir une situation économique et sociale désastreuse, où 10 % de la population active a un emploi, le reste étant voué à l’économie informelle, où la hausse des produits de première nécessité rend chaque jour plus lourd le poids de la misère, tandis que l’enrichissement gigantesque de l’oligarchie au pouvoir s’étale impudemment.

Depuis des années, nombreux sont ceux qui ventent les mérites d’un régime « stable » pourvu de richesses : pétrole, bois, minerais, exploitées notamment par des multinationales françaises avec Total et Bolloré en tête.
A partir de quel nombre de victimes consentira-t-on à s’intéresser au sort d’une population muselée par la force et spoliée de ses droits et de ses richesses ?

Face à la réalité incontournable de ce dont souffrent les populations camerounaises, la France officielle ne semble pas avoir d’indignation à exprimer. Notons que cela ne date pas d’hier. Et rappelons que le Burkina Faso, après 20 ans de pouvoir unique, connaît aujourd’hui une situation du même ordre. Les populations burkinabé qui en souffrent n’attirent pas davantage l’attention de Paris.

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