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Visite officielle de Paul Biya en France

Publié le 20 juillet 2009 - Survie

Du 21 au 23 juillet, l’Etat français reçoit le potentat camerounais Paul Biya, dont le pays, riche en ressources exploitées notamment par des multinationales françaises, vit entre la misère et la répression.

Du 23 au 28 février 2008 des émeutes populaires se sont produites dans les principales villes du Cameroun. La révolte s’élevait contre la cherté de la vie et contre la réforme constitutionnelle qui a supprimé la limitation des mandats présidentiels. Cette révolte fut violemment réprimée par l’armée camerounaise, faisant entre cent et deux cents morts. Un tel événement, dans un pays francophone de 18 millions d’habitants, passa quasi inaperçu dans les médias français, lesquels médias viennent de consacrer, pendant plus de deux jours, des titres à la une et de nombreux reportages à un bilan similaire d’émeutes en Chine, pays de un milliard et demi d’habitants.

A peine un an et demi plus tard après les émeutes au Cameroun, l’Elysée reçoit, le 21 juillet, en grande pompe le président camerounais Paul Biya. On ne compte plus, en France, les articles et les livres de propagande, à l’accent quasi nord-coréen dans la flagornerie à l’égard du dictateur qui occupe la présidence à Yaoundé depuis vingt sept ans maintenant. Pourtant ces années ont été jalonnées de massacres et d’assassinats. De parti unique en élections truquées et en modifications de la constitution Paul Biya s’est maintenu par la force à la tête du Cameroun, après avoir été le chef de cabinet et le premier ministre du dictateur précédent, Hamadou Ahidjo, qu’il finit par supplanter en 1982.

L’état lamentable dans lequel se trouve le Cameroun, pays pétrolier et forestier, témoigne éloquemment contre le pouvoir qui l’opprime depuis un demi siècle. Infrastructures quasi inexistantes, absence d’hôpitaux, d’écoles et d’universités dignes de ce nom, administration gangrenée par la corruption, misère galopante de l’immense majorité de la population, tout cela va avec l’enrichissement pharaonique de l’oligarchie au pouvoir.
Les puissants intérêts français implantés au Cameroun dans l’exploitation pétrolière et forestière, dans les plantations et dans les transports, avec notamment Total, Fabre et Bolloré expliquent sans doute la complaisance française à l’égard du pouvoir camerounais mais ne l’excusent pas.

Outre les répressions qui frappent l’expression de la colère populaire, la censure et l’intimidation s’abattent sur les journalistes qui tentent d’informer tant soit peu le public camerounais, notamment sur les biens mal acquis de la famille présidentielle (notamment révélés dans un rapport du CCFD intitulé Biens mal acquis. A qui profite le crime ?), et sur les associations de défense des droits de l’Homme indépendantes du pouvoir. De nombreux diplomates en poste au Cameroun ont exprimé courageusement leur blâme devant ces pratiques totalitaires, en particulier sur « Elecam », commission électorale dont 10 membres sur 12 sont issus du parti au pouvoir.

L’Etat français, qui prétend défendre les droits de l’Homme et la liberté des peuples partout dans le monde, n’a jamais proféré la moindre condamnation de cette politique. Bien au contraire il déroule le tapis rouge au potentat responsable du malheur des Camerounais.
L’indifférence des Français devant ce scandale est fondée sur l’ignorance dans laquelle ils sont tenus. Survie, depuis des années, tente de briser ce silence et d’attirer l’attention du public sur le sort des populations africaines soumises à des tyrannies prédatrices et mortifères. Une fois de plus nous adjurons les élus et les citoyens français d’exprimer leur réprobation devant l’accueil en France d’un dictateur qui enfonce son pays dans la misère et en brade les ressources, en témoignage de solidarité avec les aspirations d’un peuple muselé.

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