Survie

Madagascar : y a t-il un pilote dans l’avion ?

Publié le 6 février 2012 - Marc Reymond

La crise politique malgache n’en finit pas de rebondir trois ans après le putsch d’Andry Rajoelina.

C’est en entrant, le 21 janvier, dans l’espace aérien malgache qu’un message radio informait le pilote de l’avion transportant l’ex-président Ravalomanana que l’aéroport d’Ivato était fermé pour l’empêcher d’atterrir. La prévision d’une forte mobilisation des partisans de l’ex-président à l’aéroport, n’était pas sans risque pour l’actuel homme fort de Madagascar, Andry Rajoelina. Les risques d’affrontement étaient aussi réels avec les militants de l’AV7, association créée au lendemain de l’épisode sanglant du 7 février 2009 où la garde présidentielle de Ravolamanana avait tiré sur la foule. Sans oublier non plus la promesse faite par le général Richard Ravalomanana (homonyme de l’ex-président), bien décidé à interpeller Marc Ravalomanana. L’autorité de transition s’estimait dans l’obligation d’arrêter Ravalomanana, en vertu d’une condamnation à perpétuité pour la tuerie de février 2009.

Cette deuxième tentative de retour à Madagascar de Ravalomanana après trois ans d’exil en Afrique du Sud met en lumière toutes les ambiguïtés de la feuille de route signée à Standton en septembre 2010 pour ramener le pays dans la légalité constitutionnelle. Elle témoigne aussi de l’affrontement persistant entre le putschiste Rajoelina et un Ravalomanana toujours en exil qui voit sa candidature aux élections s’éloigner. En effet, il est stipulé que les représentants des trois mouvances ont le droit de circuler librement dans le pays. Mais le cas de Ravalomanana pose problème. Si les accords de Standton lui reconnaissent le droit de revenir à Madagascar, rien ne lui permet pour l’instant d’échapper à sa condamnation par la justice malgache, l’amnistie excluant les crimes de sang.

L’épisode a eu le don d’agacer la communauté des quinze pays d’Afrique australe (SADC) qui a demandé à Madagascar de promulguer les lois d’amnistie d’ici au 29 février. Le communiqué publié par la troïka ministérielle présidée par l’Afrique du Sud précisait qu’il s’agissait «  de faciliter le retour inconditionnel des leaders politiques exilés » . En réalité, Raojelina comme Ravalomanana profitent des disensions au sein de la SACD car le ministère sud-africain des Affaires étrangères diffusait à son tour dans l’après-midi ce même communiqué mais dans une version modifiée. Une nouvelle mouture plus prudente où la troïka réclamait la loi ne permettait que de « faciliter l’application des points encore en suspens de la feuille de route ».

Pretoria est surtout furieuse autant que soucieuse de ne pas renforcer l’idée que Ravolamanana bénéficie de son soutien. Le document diffusé par Pretoria reproche ainsi sans détour à Ravalomanana sa tentative « unilatérale » et « malheureuse » de retour « car pouvant mettre en péril la poursuite de la mise en oeuvre de la feuille de route que la plupart des partis politiques ont acceptée ». On apprenait par ailleurs qu’une réunion de crise avait été convoquée en urgence à Pretoria.

En tout état de cause, la politique malgache retourne dans un cul de sac d’où la signature du protocole de Standton l’avait momentanément sortie. Quant aux négociations de sortie de crise, elles souffrent d’une tare majeure : celle d’avoir entériner le coup d’Etat de Rajoelina en lui reconnaissant le statut de président de transition. A cet égard, la récente visite de Rajoelina à l’Elysée donne à celui-ci une crédibilité qu’il n’a pas. Le peuple malgache, lui, continue de payer les pots cassés.

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