Survie

Fodé Sylla, entre autres, au Togo d’Eyadéma :« Touche pas à mon despote »

URGENCE

Publié le 30 mai 2003

Le Groupe Confédéral de la Gauche Unitaire Européenne a décidé d’assumer les frais de mission de l’eurodéputé, l’un des vice-présidents du Parlement Européen, Fodé Sylla, qui effectuera une mission d’observation des élections présidentielles au Togo à la demande de l’Elysée. La délégation comprendra également le député du Rhône Christian Philip (UMP), le député Paul-Henri Cugnenc (UMP), président du groupe d’amitié France-Togo, et un sénateur.

Ces Messieurs ne peuvent ignorer que Gnassingbé Eyadéma, au pouvoir depuis le putsch du 13 janvier 1967, sortira vainqueur de ces élections quel que soit le résultat du scrutin. Le général-"président" est un maître ès ventriloquie, il fait parler les urnes. Ce n’est pas le moindre de ses talents. Ces Messieurs ne peuvent ignorer davantage les menaces qui guettent l’électorat de l’opposition : selon nos informations, le père de l’ancien Premier ministre Agbeyomé Kodjo a dû fuir le pays. S’en sont-ils inquiétés ? Des journalistes indépendants et des militants des droits de l’Homme sont victimes d’emprisonnements arbitraires. S’en sont-ils inquiétés ?

Ces Messieurs savent que le principal opposant, Gilchrist Olympio, a été écarté du scrutin par des artifices juridiques ; qu’il ne peut vivre en sécurité dans son pays ; que son père, Sylvanus Olympio, Président du Togo, a été assassiné le 13 janvier 1963 par… Gnassingbé Eyadéma (avec le feu vert de la France) ; que le Code électoral, la Constitution et la Commission électorale nationale indépendante ont été transformés en instruments au service du candidat Eyadéma ; que les résultats des scrutins présidentiels de 1993 et de 1998 maintenant Eyadéma au pouvoir furent des mascarades…

Le silence assourdissant des autorités françaises devant l’ensemble des crimes et délits du despote togolais explique qu’un tandem de députés UMP (MM. Philip et Cugnenc) aillent assister à la mascarade cru 2003. On ne leur fera pas l’offense d’omettre de leur dire notre déception. Mais Fodé Sylla, que fait-il dans cette galère ?

Ex-président de SOS Racisme, accusé de cautionner la dictature togolaise par des militants de la solidarité internationale abasourdis, Fodé Sylla répond : « Ne pas y aller serait accepter que l’opposition a perdu d’avance et qu’une fois de plus, Eyadéma aura réussi son coup » [AFP, Abidjan, 25 mai 2003]

L’ancien président de SOS Racisme sait pertinemment que l’opposant à Eyadéma qui pouvait (devait sans doute) emporter le scrutin l’a, lui, perdu d’avance - puisqu’il en a été écarté. Et donc, « une fois de plus, Eyadéma aura réussi son coup ». Désavouer une position de l’Union européenne (elle a fait savoir « qu’il n’y aurait pas d’observateurs pour cette élection, faute d’avoir pu mener une "mission exploratoire" ») pourrait, en d’autres circonstances, être un acte de courage. En l’occurrence, c’est incompréhensible.

En conséquence :

 Nous appelons Monsieur Fodé Sylla à renoncer à emboîter le pas à des pratiques opposées aux combats qui ont fait sa réputation et sa carrière.

 Nous appelons les eurodéputés du Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne à désapprouver publiquement cette opération de blanchiment d’une dictature et son financement par leur groupe.

 Nous demandons aux administrateurs de SOS Racisme de s’en désolidariser publiquement.

 Nous invitons les militants de l’association SOS Racisme, et les militants des partis politiques ayant des représentants au Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne à faire de même.

 Nous invitons également les militants de l’UMP à se joindre à cette protestation, au nom du peuple togolais qui souffre sous la botte d’un despote qui sévit depuis quatre décennies en toute impunité, sous les yeux de toutes et de tous.

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