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Qui aide vraiment qui ?

Les dessous de l’aide publique au développement

Publié le 7 novembre 2007 - Survie

Pour répondre à la question "Où vont les 8 milliards d’Aide Publique au Développement française ?", Survie édite un 4 pages de vulgarisation, qui décortique sa répartition, et ses ecueils... Ce document présente ensuite la vraie nature des flux financiers Nord Sud puis les revendications de Survie pour réformer le financement du développement, lutter contre la corruption et assainir la politique de la France en Afrique.

Extraits

Question à 8 milliards € : où va l’Aide Publique au Développement ?

Avec 8,2 milliards d’euros alloués en 2006 au titre de l’aide publique au développement (APD), la France se classe au quatrième rang des pays de l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) et au premier rang des pays du G8 en terme de contribution rapportée à son PIB (0,47% en 2006). J. Chirac avait même promis 0,5% en 2007 et 0,7% en 2012, l’objectif fixé par la communauté internationale en 1970. Finalement, l’APD française tournera autour de 0,43% en 2007 et 2008 et Nicolas Sarkozy a repoussé l’objectif des 0,7 % à 2015.

Dans les instances diplomatiques, on n’en finit pas de redécouvrir l’importance du financement du développement, de la lutte contre la pauvreté et la France est souvent au premier rang des donneurs de leçons de vertu. Après le Président Chirac, initiateur (parmi d’autres) de la nouvelle taxation internationale sur les billets d’avion, ce fut au tour de Nicolas Sarkozy de plaider pour un « nouvel ordre mondial » lors d’un discours prononcé à
l’ONU le 25 septembre 2007. « Les pauvres et les exploités se révolteront un jour contre l’injustice qui leur est faite » affirmait le président français.

La réalité oblige pourtant à une lecture critique du tableau « idyllique » des engagements français en matière de solidarité internationale. Sur les montants d’abord. Si on exclut la partie allouée aux « opérations de rééchelonnement de la dette des pays du Sud », qui souvent ne permet pas de dégager de l’argent frais dans les pays récipiendaires et qui est en grande partie la résultante de prêts antérieurs contractés en toute irresponsabilité avec des régimes illégitimes et corrompus, l’APD française n’augmente pas. Elle diminuerait même sensiblement (- 90 millions de 2004 à 2005). De plus, le contenu même de l’enveloppe réserve quelques surprises. Elle contient par exemple les frais de bourses accordées aux étudiants étrangers, les coûts
administratifs relatifs à l’accueil des demandeurs d’asile, des financements accordés aux territoires d’outre-mer ainsi que des programmes dédiés à la promotion de la francophonie et au rayonnement culturel de la France dans le monde. En définitive, moins de 55% de l’APD seraient constituées de programmes sectoriels ou d’assistance technique, dont la moitié seulement allouée aux pays les moins avancés.

Plus généralement, cette APD française s’inscrit dans une politique de la France en Afrique qui est contestable dans ses objectifs et souvent incontrôlable :

  • cette politique continue à se décider à l’Elysée, avec un contrôle insuffisant du Parlement
  • elle maintient au pouvoir des régimes dictatoriaux et corrompus, peu soucieux du bien être de leur population et qui détournent bien souvent l’aide dont leur pays
    bénéficie
  • elle est incohérente avec ses objectifs déclarés de
    solidarité internationale dans sa gestion de la dette des pays pauvres, dans sa politique agricole et dans sa politique au sein des institutions internationales telles que la Banque Mondiale, le FMI (Fond Monétaire International), l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce)...
  • elle a permis aux réseaux de la « Françafrique » de
    s’intégrer dans les réseaux internationaux aux
    tendances mafieuses qui ont pour vecteurs la spéculation sur les dettes des pays du Sud, le mercenariat, les ventes illégales d’armes, le pillage des ressources
    africaines et la criminalité internationale.

Il est donc nécessaire de réformer le dispositif de coopération française au développement, au-delà des timides réformes institutionnelles de 1997 et 2004, et de proposer et appliquer une nouvelle politique extérieure de la France, plus responsable et plus transparente. Ce sont bien les fondements et la légitimité de notre relation avec les pays africains qui doivent se poser à nous aujourd’hui. Conduite à terme*, cette réflexion conduirait sans doute à ternir l’image
d’Epinal de « la France, amie et bienfaitrice de l’Afrique ».

En effet si l’on décortique les statistiques économiques, on s’aperçoit que l’argent versé par la France au titre de l’aide est peu de choses en comparaison avec les rapatriements des multinationales, l’argent des trafics menés en Afrique ou même les transferts des migrants africains résidants en France. Le phénomène est identique au niveau mondial où la charité et la générosité affichée par les grandes puissances, qui aiment afficher leur compassion pour le continent africain, est au final bien peu de choses en comparaison à ce que ces dernières font ou ont fait subir à l’Afrique :
exploitation des richesses, dette, accords commerciaux
iniques, plans d’ajustements structurels et schémas néolibéraux imposés, etc.
S’intéresser aux dessous du financement du développement revient donc souvent à tordre le cou à bon nombre
d’idées reçues dont la première et la plus répandue est
l’affirmation selon laquelle les pays du Nord et la France en particulier « aident » l’Afrique.

Nos revendications :

Repenser les fondements du
financement du développement :

  • Passer du concept d’aide publique au
    développement à une redistribution des
    richesses à l’échelle mondiale, aux contours redéfinis conjointement avec les pays et les populations bénéficiaires, et
    favorisant l’accès de tous aux biens publics
  • Recentrer la politique française de
    financement du développement sur la lutte contre la pauvreté et le respect des droits
    humains, en commençant par consacrer au minimum 20% de ses moyens au
    financement des services sociaux de base (comme elle s’y est engagée en 1995)
  • Promouvoir la création d’une fiscalité
    internationale par la création de taxes mondiales
  • Elaboration de règles du jeu équitables et transparentes à l’endettement international en substituant au Club de Paris un tribunal international de la dette impartial

Lutter contre la corruption et assainir la politique de la France en Afrique

  • Mise en place d’un « service diplomatique minimum » et suspension de la coopération dans les secteurs régaliens avec les
    régimes autoritaires et corrompus
  • Annulation des dettes odieuses et
    restitution, par la France et par les États
    européens aux pays spoliés, des biens mal
    acquis par les dictateurs
  • Remise en cause du franc CFA, qui
    assujettit les politiques économiques des États africains
  • Obliger les compagnies, notamment dans le secteur extractif (pétrole, gaz et ressources minières) à publier, de façon systématique et transparente, le montant des taxes et redevances de toute nature qu’elles versent aux Etats des pays dans lesquels elles sont présentes
  • Mettre un terme au scandale des paradis fiscaux et judiciaires, en empêchant les banques et les entreprises de les utiliser à des fins d’évasion fiscale ou de corruption

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"4 pages" France-Afrique. Qui aide vraiment qui ? Les dessous de l’aide publique au développement

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