Survie

Arcanes et rouages de la coopération militaire : 800 millions de francs, pour quoi faire ?

Publié le 12 novembre 1996

Les budgets de la coopération militaire ont connu une courbe de croissance continue jusqu’en 1978, et se sont stabilisés (en francs constants) pour tourner autour du milliard de francs depuis 1984, avec une baisse sensible certaines années (820 millions en 1994). L’aide directe en matériel est plutôt en déclin depuis 1980, sauf lorsque des opérations ponctuelles requièrent une mobilisation particulière (par exemple les besoins d’armement et de véhicules de l’armée tchadienne ou rwandaise...). Mais la fourniture de matériel militaire capte en général la majeure partie du budget global de la coopération militaire (jusqu’à 50 %). L’assistance en personnel a, elle, décliné jusqu’en 1975 pour se redresser ensuite. Quant à la formation de stagiaires étrangers, elle perd des crédits de façon significative, notamment à cause de l’implantation d’écoles militaires en Afrique. Les formations nouvelles sont de plus en plus coûteuses, notamment dans des secteurs en pleine expansion comme l’aéronautique. Former un pilote ou un mécanicien coûte très cher et les demandes abondent. La France fait des efforts financiers particuliers dans ce domaine, car elle apparait quasiment seule en Afrique.

Depuis le début de la coopération militaire, on remarque un net décalage entre le budget initialement voté et le budget final (+ 265 % en 1978... ). C’est effectivement un domaine imprévisible par excellence, les crises de certains pays ne trouvant de réponse que dans l’accroissement des budgets prévus (octroi de matériels, conseillers techniques,... ). De plus, l’accroissement systématique du nombre des pays du champ, sans augmentation significative du budget global, oblige les premiers prétendants à partager - ce qu’ils ne font pas volontiers. Des demandes inopinées en cours d’année tentent toujours de rattraper certaines diminutions de crédits. Enfin, la crise économique persistante n’incite pas les pays africains à l’autonomie en matière de sécurité et de défense, et la tendance est à une demande toujours croissante. En l’honorant trop mal, on craindrait d’inciter certains chefs d’Etat africains à rechercher d’autres partenaires.

Cette situation provoque un climat tendu à la MMC. Les octrois complémentaires lui échappent politiquement. Ils ne sont pas couverts par le ministère de la Coopération, au budget limité, mais accroissent les charges financières dont le ministère de la Défense doit faire l’avance. Ce déficit est structurel depuis 1984. Les fonctionnaires de la MMC pratiquent un lobby incessant pour que la Loi de Finances s’accorde sur la réalité et sur les priorités politiques réelles de la France (3). Mais une drôle de manie veut que Paris cache ses priorités, notamment en tout ce qui concerne le continent africain. Cette façon de jongler entre les crédits initiaux et les crédits réels constitue une illustration supplémentaire du refus de transparence patenté dans les relations franco-africaines.


3. Cf. Marc Mertillo, Les armées françaises à l’étranger - Coopération militaire en Afrique, in Revue française d’administration publique, juin 1988.


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