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Accords « Rubik » : la France doit prendre position publiquement contre la nouvelle offensive suisse

Publié le 7 septembre 2011 - Plate Forme Paradis Fiscaux et Judiciaires

Suite à la signature par la Suisse d’accords bilatéraux de double imposition avec l’Allemagne et le Royaume
Uni, les organisations membres de la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires soulignent l’extrême gravité
de tels arrangements. Ces accords dits « Rubik », qui doivent maintenant être ratifiés au niveau
parlementaire, remettent en cause les engagements pris par ces mêmes pays, au sein du G20, de l’OCDE et
de l’UE, pour une plus grande transparence des paradis fiscaux.

De son côté, la France a déjà rencontré, le 31 août, les autorités suisses pour discuter de tels arrangements à
la petite semaine. Pour la Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, non seulement le gouvernement doit
renoncer à suivre l’exemple de ses voisins ; mais il doit surtout dénoncer l’aval qu’ils accordent de facto à
l’opacité financière et exiger qu’ils se rétractent. Il en va de la crédibilité de la France à tenir ses promesses
en matière de lutte contre les paradis fiscaux.

Paris, le 07 septembre 2011. Les deux accords conclus cet été ont pour objectif de dispenser les autorités
helvétiques de transmettre l’identité des résidents allemands ou britanniques titulaires de comptes bancaires
en Suisse. En contrepartie de ce maintien du secret bancaire, l’administration suisse se chargera de prélever
un impôt à la source et de le reverser aux autorités fiscales du pays d’origine, contrairement aux accords
d’échange de renseignements fiscaux signés depuis le G20 de 2009.

Des accords qui signent le glas du combat fondateur du G20 contre les paradis fiscaux

En exonérant la Suisse de l’obligation de donner des renseignements sur l’identité des titulaires de comptes,
ce système est de nature à favoriser la fraude et l’évasion fiscales, en créant de facto une amnistie
permanente. Plus grave encore, il contribuera à protéger les opérations de blanchiment d’activités criminelles
(corruption, trafic de drogue...), dont les auteurs pourront rester inconnus des autorités de leur pays d’origine.
Avec Rubik, les gouvernements allemand et britannique avalisent donc, de fait, les pratiques de délinquance
économique et financière.

Un système contre-productif dont la rentabilité financière n’est pas établie

Dans le cadre d’un régime dérogatoire à la « directive épargne », deux autres paradis fiscaux européens, le
Luxembourg et l’Autriche, expérimentent depuis 2005 un dispositif équivalent. Or le montant des versements
effectifs s’est révélé dérisoire. Le Luxembourg n’a par exemple reversé que 10 millions d’euros à la France en
2006
.

En outre, les accords conclus avec la Suisse ne portent que sur l’imposition des revenus des placements et ne
couvrent pas les autres types d’impositions (impôt sur la fortune, taxation des plus-values...), auxquelles sont
soumis les placements financiers. A l’heure où les plans d’austérité se multiplient en Europe, ces accords
présentés comme des mesures de réduction des déficits publics, sont injustes pour le simple contribuable taxé
sur des assiettes non délocalisables telles que les salaires ou la consommation.

Trois bonnes raisons de douter de l’efficacité de tels accords :

  • Ce système purement déclaratif repose sur le bon vouloir des banquiers, sans vérification possible par les
    administrations fiscales concernées des montants réellement placés en Suisse. Dans ces conditions, comment
    vérifier les estimations divergentes sur les avoirs britanniques détenus en Suisse à savoir 141 milliards d’euros
    selon les britanniques et 52 milliards d’euros pour les Suisses
     ?
  • Comment atteindre les redevables visés par ces accords quand l’identification de la nationalité réelle du
    propriétaire des capitaux est masquée à travers des mécanismes juridiques opaques de type trust ?
  • Enfin, les estimations avancées semblent bien optimistes, ne prenant pas en compte le nombre d’évadés qui
    quitteront certainement la Suisse pour placer leur argent là où ils ne souffrent d’aucun prélèvement. A ce
    sujet, l’Allemagne et la Grande-Bretagne semblent oublier que seuls des outils multilatéraux permettent de
    prévenir de tels comportements.

Mettre la transparence au cœur du contrôle fiscal pour garantir la justice devant l’impôt

Malgré leurs fortes insuffisances, les traités fiscaux signés depuis le sommet du G20 de Londres constituaient
une étape inédite dans la mesure où ils plaçaient la transparence au cœur du nouvel effort de coopération
obtenu de la part des paradis fiscaux. Après la publication des listes de l’OCDE, le G20 a continué depuis 2010
d’exercer une pression sur les territoires opaques dans le cadre de l’évaluation par les pairs du Forum global
sur l’échange de renseignements fiscaux et la transparence. La transparence est ainsi au centre des 9 critères
d’évaluation utilisés pour évaluer la coopération des 100 Etats membres de ce forum.

Plutôt que de brader leur souveraineté avec de tels accords, les Etats européens devraient s’inspirer des
initiatives originales des Etats-Unis. Par le vote de la loi FATCA, ces derniers font reposer l’obligation de
transparence sur les banques elles-mêmes en contrepartie de leur accès au marché américain : elles devront à
partir de 2013 déclarer régulièrement les mouvements financiers des ressortissants et entreprises américains
qu’elles hébergent. Les autorités fiscales américaines ont aussi renforcé leurs moyens de contrôle en
embauchant plusieurs centaines de personnes.

La Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires demande à la France de réagir sans plus attendre. Alors qu’elle
s’était affichée championne de la lutte contre les paradis fiscaux en 2009 et qu’elle préside le G20 cette
année, son silence pourrait contribuer à ruiner les efforts collectifs déployés depuis le début de la crise
financière.

*- Elle doit renoncer, sans équivoque, à suivre l’Allemagne et l’Angleterre dans cette impasse et dénoncer, dans
le même temps, ce type d’accord qui avalise l’opacité et la criminalité financières.

  • Elle doit déclarer publiquement son soutien à la Directive Epargne de l’Union européenne, en appuyant
    l’élargissement des contribuables et des instruments financiers ciblés et son extension géographique, en
    particulier dans les paradis fiscaux européens, afin de relancer la dynamique de négociations mise à mal
    depuis deux ans.
  • Au niveau du G20, elle doit relancer la dynamique collective pour faire de la transparence, la pierre angulaire
    de la coopération fiscale (en particulier pour les bénéficiaires réels des structures opaques) qui ne saurait être
    efficace sans dispositif multilatéral. Dans ce cadre, elle doit réaffirmer son soutien au travail du Forum Global
    sur l’échange de renseignements fiscaux et la transparence, dont les standards multilatéraux sont bafoués par
    ces accords.

CONTACTS PRESSE

CCFD-Terre Solidaire | Nathalie Perramon | 06 82 85 28 82
Oxfam France| Magali Rubino | 01 56 98 24 45
Secours Catholique Caritas France | Sophie Rebours | 01 45 49 73 23
Transparence International France | Myriam Savy | Daniel Lebègue | 01 47 58 82 08 | 06 07 42 01 83

Membres de la Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires :

Les Amis de la Terre - Anticor - Attac France - CADTM France – CCFD-Terre
Solidaire - CRID - Droit pour la justice - Oxfam France - Réseau Foi et Justice
Afrique Europe - Secours catholique Caritas France - Sherpa - Survie - Syndicat
de la magistrature – SNUI - Transparence International France

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