Survie

Aventis Romainville, un projet qui prend soin de la recherche

Publié le 24 juin 2003 - Victor Sègre

L’Humanité, France, 24 juin 2003.

Les salariés en lutte contre la fermeture du site de Seine-Saint-Denis ont développé hier leur projet à l’Assemblée nationale, à l’invitation des élus communistes.

Les panneaux de mise en location du site de recherche et développement Aventis Pharma de Romainville ont beau être installés depuis un mois et demi, les salariés, menacés par la restructuration, réunis en intersyndicale CGT-CFDT, ne perdent toujours pas espoir. Forts de leur projet alternatif baptisé Néréis, ils mènent jusqu’au bout leur lutte pour la sauvegarde du potentiel du deuxième site de recherche pharmaceutique en France. Alors que se négocie actuellement en comité central d’entreprise (CCE) le démantèlement social du site, ils ont, à l’initiative des parlementaires communistes, alerté les élus lors d’une réunion à l’Assemblée nationale, à laquelle était convié l’ensemble de leurs nombreux soutiens. En préalable à la discussion, Thierry Bodin, représentant de la CGT, a de nouveau dénoncé la volonté d’Aventis de ne conserver en France que la recherche sur les anticancéreux et sur la maladie d’Alzheimer, qui aboutit à l’abandon pur et simple du site de Romainville. " Ce centre de recherche dispose pourtant de l’ensemble des métiers qui permettent d’exploiter de nombreux axes de recherche, il comprend la chaîne complète du développement du médicament ", a-t-il souligné. Le projet Néréis s’oppose précisément à la perspective de cette aberrante restructuration, et envisage, sur la base d’une structure alliant les investissements privés (80 %) et publics (20 %), de poursuivre la recherche et le développement d’anti-infectieux et d’antiparasitaires, et de s’engager vers de la " recherche à façon " en oncologie, cardiologie et endocrinologie, en conservant la cohérence du site. Une telle organisation permettrait de concentrer les efforts de recherche sur les problèmes de santé publique majeurs, dans les pays riches comme dans les pays du Sud.

Catherine Puig, vice-présidente du conseil général de Seine-Saint-Denis, a abondé dans le même sens, insistant sur la nécessité de " donner les moyens à un secteur en demande, d’apporter des réponses adaptées aux réalités locales ". Michel Doneddu, secrétaire confédéral de la CGT, a précisé le problème que posait la disparition du centre de recherche d’Aventis : " La France est en retard sur la politique scientifique des États-Unis et de l’Angleterre. Ce centre était un des derniers à faire des anti-infectieux. Le gouvernement, en baissant les crédits de la recherche publique, avait promis d’inciter le privé à investir dans la recherche. On voit ici que ce n’est pas le cas. Les pouvoirs publics ont pourtant la chance, avec Aventis, de pouvoir s’appuyer sur un projet intelligent des salariés. " Regrettant le " désengagement de l’État ", un ingénieur de l’INSERM a mis en évidence l’importance, pour relever la tête, de disposer de plates-formes techniques de haut niveau comme celles qui existent à Romainville.

Le mouvement ATTAC, représenté par son président, Jacques Nikonoff, voit dans Néréis l’occasion rêvée de " soustraire les médicaments aux seules logiques de marché ", pour court-circuiter " les politiques criminelles " des grands groupes pharmaceutiques dans les pays pauvres. " L’intérêt du projet des salariés réside dans cette mixité privé-public, qui rend possible l’intervention de l’État. " Les ministères qui ont été approchés par les salariés d’Aventis ont d’ailleurs réservé un bon accueil à Néréis. D’après Thierry Bodin, les administrations de l’INSERM et du CNRS réfléchissent depuis longtemps à la valorisation, notamment pharmaceutique, des travaux de leurs chercheurs, et voient d’un oil favorable la proposition de l’intersyndicale d’Aventis, qui permettrait d’exploiter un site en l’état. Mais la direction d’Aventis, sollicitée pour investir massivement dans Néréis, freine des quatre fers. Elle préfère ne plus entendre parler de secteurs de recherche qu’elle estime insuffisamment rentables, et disperser son patrimoine. Les salariés, eux, espèrent ralentir le plus possible la discussion du plan social, afin d’avoir le temps de convaincre l’entreprise de discuter avec eux de la faisabilité de Néréis.

Par Anne-Sophie Stamane

Site internet de NEREÏS : http://www.nereis-sante.com

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