Survie

Bateaux-poubelles, bateaux-galères, même combat

Publié le 21 novembre 2003 - Survie

Radio France Internationale, 21 novembre 2003

Préoccupés de renforcer la lutte contre les bateaux dangereux pour l’environnement, les Européens oublient d’agir contre les pavillons de complaisance où les droits des marins sont bafoués, au nom de la réduction des coûts. (...)

Les bateaux-poubelles qui risquent, à chaque instant, en raison de leur vétusté et du manque d’entretien, de polluer les côtes sont un cas limite qui cache un problème beaucoup plus large, celui des bateaux-galères, affirment les associations Agir Ici, Attac et BPEM (Biens publics à l’échelle mondiale). Elles lancent une campagne (voir sur ce lien) de sensibilisation de l’opinion publique et de pression auprès du gouvernement français et de la Commission européenne pour en finir avec les pavillons de complaisance et pour imposer, en faveur des marins, des conditions de travail et de rémunérations conformes au droit et à leur dignité. Actuellement elles sont plus proches de l’esclavage, selon les promoteurs de cette campagne.

(...)

Pour François Lille, président de BPEM et lui-même ancien marin, la dérégulation sociale qui sévit chez les pavillons de complaisance finit par s’étendre à l’ensemble du secteur des transports maritimes, car la concurrence mondiale fait rage et pousse à la réduction maximum des coûts. Afin d’y parvenir, les armateurs situés dans les pays industrialisés font appel à une main d’oeuvre originaire des pays du sud. On considère que trois marins sur quatre sont recrutés dans les pays en développement, avec le cas plus complexe des marins issus des anciens pays du bloc soviétique. Des entreprises de travail maritime font la liaison entre les armateurs et environ 950 000 marins rémunérés et traités en fonction de leur origine. Ainsi, sur un même bateau et pour un même travail des marins peuvent relever de cinq ou six statuts différents avec autant de niveaux de rémunération.

Pavillon de complaisance français

L’une des revendications de la campagne contre les pavillons de complaisance tend à inciter les Etats de l’Union européenne, y compris les futurs pays membres, à ratifier la convention des Nations Unies sur l’immatriculation des navires et les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur les gens de mer. A ce jour la convention des Nations Unies n’a pu entrer en vigueur, faute d’un nombre suffisant de ratifications, dont celles de tous les pays de l’Union européenne. Quant aux conventions OIT, la France ne s’est engagée que sur celle portant sur les conditions minimales de travail.

En France, Agir Ici dénonce la tentation de créer un pavillon de complaisance « national », plus dérogatoire que l’actuelle immatriculation dans les terres australes françaises ou à Wallis-et-Futuna, afin de résister à la concurrence internationale. La création d’un Registre international français répondrait à cette attente. Ainsi la proposition de loi déposée le 30 octobre dernier par le sénateur UMP Henri de Richemont a pour but de créer un régime d’immatriculation des navires « aussi attractif que les autres registres internationaux européens ». Cela consiste en un retour en arrière sur le droit social français, soulignent les associations, en ce qui concerne la durée du travail, le salaire minimum, la couverture sociale.

Francine Quentin
21/11/2003

© RFI


Une campagne pour "en finir avec les pavillons de complaisance"

Dépêche AFP du vendredi 21 novembre 2003, 18h25

PARIS (AP) - "Trafics en mer : marins en galère !" L’association francaise Agir Ici, en partenariat avec les mouvements altermondialistes Attac et BPEM (Biens publics à l’échelle mondiale) lance une campagne pour "en finir avec les pavillons de complaisance".

Pour "restaurer la dignité des conditions de travail des marins et lutter contre la complaisance maritime", la campagne entend interpeller directement la France qui "en raison de sa tradition maritime et de sa position géographique particulière, a un rôle majeur à jouer dans cette lutte". Agir Ici dénonce à cet égard de projet de Registre international français (RIF) qui vise selon elle à "créer un véritable pavillon de complaisance français".

Des pollutions comme celle de l’"Erika" aux marins bloqués dans des ports faute d’être payés, les pavillons de complaisance reviennent souvent dans l’actualité.

Ils sont délivrés par des Etats peu regardants qui permettent aux armateurs d’échapper aux lois de leurs pays. Sur la liste noire de ces Etats complaisants élaborée par la Fédération internationale des ouvriers du transports (ITF), une organisation qui défend les intérêts des marins, figurent cinq des plus grosses flottes mondiales, le Panama, le Liberia, les Bahamas, Malte et Chypre.

Des pavillons de complaisance qui favorisent des conditions de vie et de travail "proches de l’esclavage" pour les marins. Les associations, citant diverses études et travaux d’experts indépendants, dénoncent le manque de personnels à bord des navires, entraînant un surmenage constituant une des causes de catastrophes. Des marins travaillent ainsi 12 à 15h par jour, et près de cent heures par semaine pendant trois mois.

"Des dizaines de milliers de marins sont traités comme des esclaves, craignant d’être jetés par dessus-bord s’ils osent se plaindre", selon les associations. En outre, "les équipages de 10 à 15% des navires dans le monde travaillent dans des conditions dangereuses pour des salaires médiocres, voire inexistants et sont sous-alimentés, violentés et roués de coups".

D’après une étude effectuée sur les marins britanniques et publiée par l’université d’Oxford, les marins ont ainsi "26,4 fois plus de risques de mourir sur leur lieu de travail que les autres travailleurs".

Jusqu’au 15 mars prochain, la campagne invite les citoyens à demander aux ministres des Affaires étrangères et de l’Equipement et des Transports, d’engager au plus vite le processus de ratification de la convention des Nations unies sur l’immatriculation des navires et celle de l’Organisation internationale du travail (OIT) concernant les gens de mer. Ils devront également les inciter à promouvoir le lancement d’"une réforme de l’Organisation maritime internationale (OMI) pour que le pouvoir réel des Etats ne dépende plus du tonnage de leur flotte".

Les citoyens sont invités à faire de même au niveau européen en écrivant à la vice-présidente de la commission européenne en charge des Transports. AP

sb/com/ll

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