Survie

Contre-projet à Romainville

Extraits tirés du Monde Diplomatique, France, mars 2003.

(...) En dépit de ses soixante-dix années d’histoire dans la recherche pharmaceutique, le site [d’Aventis Pharma à Romainville] ne présente aucun des symptômes d’une industrie en décrépitude (...) avec « 15,6 milliards d’euros de vente dans le monde  », [Aventis Pharma] connaît « au minimum 10 % de croissance moyenne par an », comme le proclame son site Internet [1]. (...)

Pourtant, en 1998, la direction décide de vendre le site. Puis, face à la mobilisation de ses salariés, promet de l’intégrer dans un centre parisien.
« En réalité, affirme Thierry Bodin, statisticien et élu CGT, il s’agit d’une désintégration. Sur les huit axes de recherche présents à Romainville, il n’en restera plus qu’un - les anti-infectieux. La recherche sur les maladies de l’os a déjà été externalisée vers ProSkelia, une filiale de type "start-up", laquelle n’a repris que 80 chercheurs, soit à peine 50 % du
potentiel. D’autres axes ont déjà été abandonnés ou transférés.
 »

(...) Furieux de constater la mise au rebut d’« un outil de recherche et développement performant, et d’une mémoire irremplaçable », les salariés ont travaillé à un contre-projet, dénommé
Néreïs [2]. Leur constat : la recherche pharmaceutique telle qu’elle est
menée ne répond aux impératifs de santé publique ni au Sud (...) ni au Nord (...).

Logique de santé publique

En rompant avec la logique purement financière pour entrer dans une approche de santé publique, Néreïs pourrait mettre ses compétences dans toute la
chaîne du développement du médicament - de l’amont (recherche d’effets biologiques) à l’aval (tests de toxicité, essais cliniques, demande d’autorisation de mise sur le marché) - à la disposition d’institutions
publiques comme d’organismes privés.

(...) « Les organismes publics de recherche possèdent des mines d’or. Ils disposent des deux pièces du puzzle : les "cibles" biologiques (...) et d’importantes collections de molécules - les chimiothèques (...). Mais ils n’ont pas les moyens de les mettre en correspondance - ni vocation à le faire. La recherche de molécules actives implique des procédés industriels de criblage à haut débit, permettant de tester quelque 100 000 molécules par jour - précisément ce qui existe à Romainville  ». Le docteur Léauté plaide donc (...) pour que ce site devienne une structure mixte, associant public et privé dans une « pharmacopole régionale, capable de développer certains types de molécules : antibiotiques, anticancéreux, antifongiques, antiparasitaires - en partenariat avec l’OMS ou Médecins sans frontières - traitant les maladies infectieuses tropicales et des maladies
rares. Mais offrant également des surfaces de laboratoires à des start-up et à des PME de biotechnologie
 ». (...)

Premières ébauches d’une autre conception de l’industrie pharmaceutique, tournée en priorité vers la santé publique, les projets (...) auraient aussi le mérite de ne pas abandonner aux Etats-Unis le monopole de la recherche sur les anti-infectieux, alors que la santé et l’accès aux soins constituent désormais, selon l’intersyndicale d’Aventis-Romainville, « une arme aussi déterminante que celle de la défense  ».

Philippe Rivière

Pour en savoir plus, lire l’article entier dans le numéro de mars 2003 du Monde Diplomatique.

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