Survie

Elle se bat pour les malades du Tiers-Monde

Publié le 26 octobre 2002 - Survie

Ces extraits sont tirés du Figaro Magazine, France, 26 octobre 2002.

(...) Dans son modeste bureau, le Pr Krisana Kraisintu, chef de recherche à la GPO (Gouvernemental Pharmaceutic Organisation), nous accueille avec beaucoup de gentillesse malgré les téléphones qui sonnent et les fax et les mails venus du monde entier qui s’empilent sur son bureau.

(...) "J’ai été terriblement choquée par la situation des femmes Thaïes touchées par la maladie et qui mettaient au monde des enfants eux-mêmes porteurs du virus. J’ai voulu m’impliquer à fond dans la lutte contre le sida. J’ai décidé de mettre au point des médicaments génériques accessibles à tous et surtout aux plus déminis. Des médicaments qui soient très aisés à consommer, contrairement à ceux existant à l’époque. J’ai voulu réaliser tout cela sans porter atteinte à aucun brevet étranger. Ma chance, c’est que les molécules qui m’intéressaient, produites par des laboratoires américains, n’étaient pas protégés en Thaïlande. La GPO produit aujourd’hui plusieurs centaines de milliers de pilules antisida chaque mois.

(...) J’ai tout simplement réussi à synthétiser les trois molécules administrées jusqu’ici séparemment. Ce cocktail, nommé GPO-VIR, remplace à lui seul les divers médicaments disponibles jusque-là et qui donnaient lieu à six prises quotidiennes, voire plus. Ce produit ne coûte même pas un dollar par jour, tandis que les trithérapies classiques coûtent cinquante ou cent fois plus cher. Par ailleurs, ce médicament existe en deux dosages distincts, GPO-VIR 30 et GPO-VIR 40, tenant compte du poids des malades. Ce qui en facilite les prises, la tolérance et l’efficacité, surtout quand il s’agit d’enfants. Les services de santé, publics ou privés, de mon pays traitent actuellement avec ce médicament, dans le cadre d’un programme d’accès aux soins antisida, plus de 20 000 adultes et plus de 2 000 enfants.

(...) Le seul regret que j’ai, c’est de n’avoir pas pu le produire durant des années, alors qu’il était déjà au point en 2000. J’ai, hélas ! subi certaines pressions. Et des milliers de personnes, que l’on aurait pu sauver, sont mortes."

Quelles pressions ? Le Pr Krisana ne souhaite pas en parler davantage. Tout juste consent-elle à évoquer "des appels téléphoniques anonymes" lui ordonnant d’arrêter ce "business" (sic).

(...) "Le Pr Krisana a effectivement reçu des menaces, confie David Wilson, le responsable de MSF Belgique (...) Son projet contrariait évidemment de très gros intérêts. Ce n’est un secret pour personne que les Etats-Unis ont décidé d’appliquer des sanctions commerciales contre la Thaïlande, notamment en limitant leurs importations de bois et de pierres précieuses. Cela afin de contraindre le gouvernement thaï à désavouer Krisana."

(...) Mon travail est fini en Thaïlande, murmure le Pr Krisana, les yeux humides. Maintenant, je vais m’occuper de l’Afrique. Là, se trouvent 25 millions de sidéens, plus de la moitié de ceux que compte la planète tout entière. La productin du GPO-VIR ne nécessite pas de très haute technologies. Les pays fournisseurs de matières premières, en tête desquels l’Inde et la Corée, m’ont promis qu’ils allaient encore baisser leurs prix pour que le GPO-VIR soit le moins cher possible en Afrique. Je peux vous annoncer aujourd’hui que le Maroc, le Ghana et le Zimbabwe, parmi les premiers, pourraient entrer rapidement dans une phase de production.

Par Jean-François MONGIBEAUX

© Le Figaro Magazine

a lire aussi