Survie

L’Inde pourrait restreindre les possibilités de fabriquer des médicaments génériques

Publié le 20 mars 2005 - Survie

Extraits tirés du Monde, France, 20 mars 2005.

La moitié des médicaments utilisés pour les 700 000 malades du sida actuellement traités dans les pays en développement par les organismes internationaux et nationaux sont des génériques fabriqués en Inde. La proportion atteint même 70 % pour les 25 000 patients pris en charge par Médecins sans frontières. Cela pourrait être remis en question par les discussions qui se sont ouvertes, vendredi 18 mars, au Parlement indien sur un projet de loi du gouvernement transposant l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les brevets. (...)

Dotée d’une industrie pharmaceutique privée dynamique et d’une législation jusque-là extrêmement souple sur les brevets, l’Inde est devenue le numéro un mondial du générique. Si la population locale n’en bénéficie pas toujours, les fabricants indiens de médicaments génériques ont joué un rôle décisif dans la chute des prix mondiaux des thérapeutiques. L’exemple le plus clair est celui des traitements antirétroviraux utilisés contre le sida. Les fabricants de génériques indiens les ont proposés à des prix divisés par dix par rapport à ceux des laboratoires occidentaux.

De plus, les fabricants de génériques ont été en mesure de commercialiser des combinaisons à doses fixes, permettant l’administration d’une trithérapie en un seul comprimé. Un avantage supplémentaire dont se sont saisis aussi bien des ONG que le gouvernement brésilien pour son programme national de prise en charge gratuite des malades du sida. Cela a aussi permis le financement au moindre coût des traitements par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Les médicaments génériques indiens sont ainsi présents dans 200 pays pauvres. (...)

Or, membre de l’OMC depuis sa création, le 1er janvier 1995, l’Inde était tenue de mettre sa législation sur la propriété intellectuelle en conformité avec les accords internationaux sur la propriété intellectuelle avant le 1er janvier 2005. Le 26 décembre 2004, le gouvernement (Parti du Congrès) a promulgué une ordonnance amendant la législation sur les brevets. "Elle est encore plus restrictive que les accords de l’OMC sur la propriété intellectuelle, explique K. M. Gopakumar, de la Campagne pour des médicaments et des traitements accessibles, à Bombay. Le gouvernement cède à la pression des lobbies pharmaceutiques soutenus par les Etats-Unis et l’Union européenne et espère tirer parti d’une libéralisation économique."

"Si cette ordonnance est adoptée, cela va rendre très difficiles, voire impossibles, les exportations de génériques à partir de l’Inde", s’inquiète Emmanuel Trenado, de l’association Aides. Un sentiment partagé par Médecins sans frontières : "Cette législation compromettrait pour de nombreuses années l’accès aux innovations dans les pays du Sud. Elle ne permettra pas de fabriquer des génériques pour les traitements de "seconde ligne", qui prennent le relais des médicaments devenus inefficaces en raison de résistances", avertit Annick Hamel. (...)

Paul Benkimoun

© Le Monde

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