Survie

« L’UE veut se donner bonne conscience »

Publié le 10 janvier 2003 - Victor Sègre

Libération, France, 10 janvier 2003.

German Velasquez est responsable du programme d’accès aux médicaments au sein de l’OMS.

Comment réagissez-vous à l’initiative européenne ?

C’est d’autant plus surprenant que l’OMS a été mise à l’écart des discussions informelles, qui ont eu lieu à Sydney en novembre ou à Genève en décembre. Et que Pascal Lamy [le commissaire européen au Commerce, ndlr], ne nous a jamais demandé notre avis sur la question. S’il l’avait fait, il saurait que notre position est aux antipodes de la sienne. Ce n’est pas à l’OMS de définir une liste qui serait limitative. Les autorités nationales des pays en développement sont les mieux placées pour identifier les priorités de santé publique. Jouer ce jeu serait faire marche arrière par rapport à l’esprit de Doha qui laissait aux Etats le soin de les définir eux-mêmes.

Avez-vous le sentiment d’être piégé ?

Oui, même si ce n’est probablement pas l’intention du commissaire européen au Commerce. Si nous disons : « Oui la liste nous convient » ou « Non, il faudra ajouter telle ou telle maladie », nous entrons dans une logique d’une liste limitative et globale, alors que le sujet est bien plus complexe et que des maladies orphelines différentes existent dans chaque continent.

Comment expliquez-vous l’offre européenne ?

L’Europe a rallié la proposition américaine. Et elle veut se donner bonne conscience en s’adossant à l’OMS pour faire passer la pilule.

Depuis leur veto, les Etats-Unis ont assuré qu’ils ne porteraient pas plainte contre les pays du Sud qui importeraient des génériques.

Cela ne règle rien au problème. Il existe déjà un moratoire de fait, celui imposé par l’opinion internationale, très sensible à cette question. On voit mal comment un pays qui voudrait régler un problème de santé publique par l’importation de génériques pourrait se retrouver sur le banc des accusés à l’OMC. Mais nous restons dans l’absurde. Comme si une mère avec un enfant en insuffisance respiratoire attendait trois jours un antibiotique devant une pharmacie pour discuter du prix du médicament, et que son enfant mourait entre temps...

Que faire ?

Poser les vraies questions. Doit-on traiter les médicaments comme n’importe quelle marchandise ? Ou bien se dire que la recherche et le financement de produits pharmaceutiques doivent être financés par des fonds publics ? Les brevets ne doivent plus être un obstacle à la survie.

Par Vittorio DE FILIPPIS et Christian LOSSON

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