Survie

La lutte contre la faim au point mort

Publié le 16 octobre 2002 - Victor Sègre

Libération, France, 16 octobre 2002.

La FAO lance des chiffres très alarmants et appelle à la mobilisation.

Chaque jour, 25 000 personnes meurent de faim ou de malnutrition dans le monde. Chaque année, 6 millions d’enfants de moins de 5 ans sont rayés du globe faute de nourriture, l’équivalent de l’ensemble des enfants de moins de 5 ans de la France et de l’Italie réunies. Chaque décennie ou presque, les appels à la mobilisation se multiplient, mais la démobilisation suit ensuite son cours... La FAO (Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation) s’en indigne dans un rapport rendu public hier, à la veille de la Journée mondiale de l’alimentation, ce mercredi. « Les progrès accomplis dans la lutte contre la faim sont pratiquement au point mort », constate la FAO qui dénonce « le prix très lourd à payer » pour l’inaction.

Lente baisse. Les chiffres ? 840 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde, selon les dernières estimations qui couvrent la période 1998-2000. 799 millions se trouvent dans les pays en développement, 30 dans les pays en transition et 11 dans les pays industrialisés. C’est 2,5 millions de personnes de moins par an, comparé à la période 1990-1992. Bonne nouvelle : le nombre de victimes de la faim est donc en baisse. Mauvaise nouvelle : la diminution est trop lente, beaucoup trop lente. A des années-lumière des ambitions affichées lors du sommet de l’alimentation en 1996, et réitérées au sommet du millénaire de l’ONU 2000 : réduire de moitié d’ici 2015 le nombre de personnes sous-alimentées. Pour atteindre ces promesses, il faudrait que le nombre de mal-nourris chute de 24 millions par an. Dix fois plus vite qu’à l’heure actuelle. « A ce rythme-là, il faudra attendre 2150, plus d’un siècle, pour atteindre les ambitions de 2015. »

« Contre la montre ». Pourquoi un tel scandale ? Parce qu’en dépit de la connaissance technique pour faire reculer la faim l’aide à l’agriculture plonge et les 24 milliards de dollars escomptés par la FAO risquent de relever du voeu pieux. Parce que l’indifférence des gouvernements des pays riches prévaut et l’incurie des politiques de certains pays pauvres demeure. Parce que si les conflits ou les déplacements de population, la sécheresse ou les inondations restent les principales causes de faim, ils n’expliquent pas tout, comme le rappelle Jacques Diouf, directeur général de la FAO. Bien sûr, il n’y a pas que des raisons de désespérer dans ce que l’agence onusienne appelle une « course contre la montre ». Il existe bien des améliorations, marginales. La Chine a ainsi sorti de la spirale de la faim 74 millions d’habitants en huit ans. Mais l’Afrique subsaharienne, plombée par la pauvreté, minée par le sida et les conflits, ploie sous le fardeau. La République démocratique du Congo a ainsi vu le nombre de mal-nourris multiplié par trois en huit ans. Plus de 70 % des Congolais sont sous-alimentés.

Par Christian LOSSON

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