Survie

Le Brésil, refuge de la biodiversité

Publié le 20 mars 2006 (rédigé le 20 mars 2006) - Audrey, Sharon Courtoux

Liberation, 20 mars 2006, France.

Le pays, où s’ouvre une conférence sur le sujet, défend son patrimoine biologique.

Adoptée en 1992, la convention sur la diversité biologique (CDB) est à un tournant. « Soit elle est pleinement appliquée, ce qui est loin d’être le cas, soit elle meurt », résume Nurit Bensusan, de l’Organisation mondiale de protection de la nature (WWF). La mise en oeuvre des objectifs de la CDB ­ la conservation de la biodiversité, son utilisation durable et le partage des bénéfices qui en sont issus ­ sera donc le principal défi de la 8e conférence des parties à ce traité ratifié par 188 pays (dont l’UE mais pas les Etats-Unis), qui s’ouvre aujourd’hui à Curitiba (sud du Brésil).

Chute. Pays hôte et détenteur de la plus grande part de la biodiversité mondiale (15 à 20 %), le Brésil fera valoir qu’il freine la perte de ce patrimoine, comme le montre la baisse de 30 % du défrichement de l’Amazonie, entre août 2004 et juillet 2005. Cette baisse est certes due à la chute du cours du soja, qui a découragé la culture de ce grain, responsable de la destruction de la plus grande forêt pluviale du monde, dont plus de 17 % de la partie brésilienne ont disparu depuis 1970. Mais elle est aussi le résultat d’opérations policières contre la coupe illégale de bois et l’accaparement du domaine public, ainsi que de la création de sanctuaires et de zones d’exploitation limitée sur 15 millions d’hectares, depuis l’arrivée du président Lula au pouvoir, en 2003. Des initiatives qui représentent « plus de 50 % de tout ce qui a été fait jusqu’ici en la matière », note sa ministre de l’Environnement, Marina Silva. La ministre se prévaut également d’une loi récente qui permet l’octroi de concessions, sur 13 millions d’hectares de forêts, selon des normes sévères d’exploitation, à des entreprises d’extraction de produits forestiers et d’écotourisme, afin de contenir la spoliation des terres publiques, grand facteur de défrichement.

Elle tente maintenant d’instaurer un impôt pour financer la politique environnementale, victime des restrictions budgétaires, et de faire adopter des lois de conservation des grottes et du peu qui reste de la forêt Atlantique, dont 93 % ont disparu depuis la découverte du Brésil, en 1500. Autre texte bientôt soumis au Congrès, en application de la CDB : celui qui réglemente l’accès aux ressources génétiques du pays et aux savoirs traditionnels, ainsi que le partage des bénéfices issus de leur utilisation par l’industrie. Cette législation, rappelle néanmoins Brasília, ne saurait mettre un terme à la biopiraterie sans la mise en place d’un régime international interdisant cette pratique, l’un des enjeux de la conférence de Curitiba.

Boom. Saluant ces avancées, les écologistes brésiliens soulignent que Marina Silva, ex-activiste de l’environnement, mène un bras de fer permanent contre d’autres membres du gouvernement qui préfèrent l’agriculture, responsable du boom des exportations, à la protection de la biodiversité. Le déboisement de l’Amazonie reste très élevé (19 000 km2 l’an dernier), la destruction de la plaine alluviale du Pantanal s’accélère, là aussi à cause de l’avancée du soja et de l’élevage, et la loi sur les OGM ne respecte pas le principe de précaution. Sans parler du retard dans la démarcation des terres des Indiens, les meilleurs protecteurs de la forêt, et de la construction prévue de barrages hydroélectriques sur deux affluents de l’Amazone, dont l’utilité est mise en doute et l’impact sur l’écosystème amazonien jugé désastreux.

par Chantal RAYES

© Liberation

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