Survie

Le nouveau pavillon français fait des vagues chez les marins

Publié le 3 mai 2005 - François-Xavier Verschave

Extraits tirés de La Croix, France, 3 mai 2005.

(...) La France, qui était encore la quatrième flotte mondiale dans les années 1970, est reléguée à la 29e place. Pourtant, dans le même temps, le trafic maritime, lui, n’a cessé de croître de 5 à 10 % par an, et la France elle-même achemine toujours 56 % de ses importations et 40 % de ses exportations par mer. Alors, qui a récupéré le gateau ? "Petit à petit, et de plus en plus depuis les années 1980, se souvient [le commandant] Jean-Michel Cas, on a vu arriver dans les ports de nouveaux pavillons, grecs, panaméens, libériens... avec des marins venus de pays où les salaires sont dérisoires..."

Offrant aux armateurs des conditions fiscales avantageurses, et des contrôles de sécurité souvent assouplis, leur permettant surtout d’embaucher des marins étrangers, une trentaine de registres tiers, dits de complaisance, ont raflé une bonne partie du marché. Aujourd’hui, la première flotte du monde (le Panama, 5270 navires) et la deuxième (le Liberia, 1250 bâtiments) transportent le tiers du tonnage mondial. Les armateurs français eux-mêmes ont actuellement entre 100 et 150 navires sous pavillons tiers. L’économie est évidente, quand on sait qu’un matelot français coûte environ 1600 € par mois, contre 400 € pour certains matelots asiatiques. (...)

En 1987, prenant exemple sur ses voisins européens, la France a créé le registre Taaf (Terre australes et antarctiques françaises), dit aussi "registre Kerguelen", un pavillon "bis" qui permet d’embarquer avec un quota réduit (35 %) de marins français. (...)

Depuis deux ans, le gouvernament tentait donc de remplacer le Taaf par un nouveau dispositif, le Registre international français (RIF), à la fois plus souple et mieux encadré. C’est désormais chose faite. Adopté le 14 avril par le Parlement, assitôt répertorié sur la liste des pavillons de complaisance par l’International Transport Federation (ITF), le syndicat des ouvriers du transport (...), confirmé le 28 avril par le Conseil constitutionnel qui a rejeté un recours déposé par les parlementaires PS, le très controversé RIF entrera en vigueur d’ici à deux ans, à la place du Taaf. Il concernera les navires de commerce au long cours, mais pas les bateaux de pêche ni les ferries exploitant les lignes intracommunautaires. (...)

"On prétend que le RIF va permettre de défendre la flotte française, mais c’est le contraire qui va se passer", s’insurge Alain Merlet, secrétaire général des marins CGT, syndicat majoritaire dans la profession. Dans les faits, seuls le commandant et son second seront français." En effet, si le RIF réserve bien ces fonctions dépositaires de l’ordre public à des marins français, au-delà rien n’est sûr, car il n’impose plus 35 % de marins nationaux, comme c’était l’usage avec le Taaf, mais 35 % de marins issus de l’Union européenne pour les navires bénéficiant d’un GIE fiscla (et 25 % pour les navires non aidés).

De plus, et c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase dans la profession, ces quotas de 35 % et 25 % ne sont plus calculés sur l’effectif réel embarqué mais sur la "fiche d’effectif", un document qui indique l’équipage minimal pour assurer la sécurité à bord. Pour Jean-Michel Cas, lui aussi syndiqué à la CGT, la différence est de taille. Sur le Puccini, immatriculé sous Taaf, il a 23 hommes sous ses ordres, mais la fiche d’effectifs, elle, n’indique que 16 personnes. 35 % de 16 personnes, ça ne fait plus que cinq à six marins européens, alors qu’actuellement la moitié de ses hommes sont français, et les autres roumains.

Au total, les syndicats accusent le RIF d’ancrer dans leur filière le principe du pays d’origine, tant décrié dans la directive Bolkestein. Car si les marins français conservent leur statut de droit français (...), le reste de l’équipage, communautaire ou extracommunautaire, sera soumis aux règles en vigueur dans les pays d’origine. (...) Alain Merlet estime ainsi la facture du RIF à près d’un millier d’emplois chez les marins français, notamment chez les matelots. (...)

Par Nathalie Birchem.

La MDM à l’écoute de tous les marins

"La qualité des navires s’est beaucoup améliorée ces cinq dernières années. mais les conditions de travail des marins se sont considérablement dégradées." Pour James Driver, directeur du foyer Les amis des marins de Port-de-Bouc (Bouches-du-Rhône), il faut plus que jamais penser au bien-être des gens de mer. (...)

Avec le texte du registre international français, l’ambiance est loin d’être à l’optimisme. (...) Louis Guérin, président national de la MDM [Mission des gens de mer], juge que l’"on ne valorise pas le travail du marin en tirant son statut vers le bas. Cela ne devrait pas se faire."

A l’exemple des routiers qui observent un temps d’arrêt après de longues heures de conduite, il réclame des mesures similaires pour les marins. "Huit heures de travail par jour, certes, mais pendant quatre mois en mer !" Et Louis Guérin craint des problèmes de sécurité au travail. (...)

La compétitivité justifie-t-elle tout ? Ici, on martèle que non. (...)

Par Anicet Kamga.

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