Survie

Les mots de colère de Nelson MANDELA

A Paris, il demande de l’aide pour les malades des pays du Sud.

Publié le 15 juillet 2003 - Victor Sègre

Libération, France, 15 juillet 2003.

Il est apparu, un peu fatigué. 85 ans, la silhouette hésitante, le visage grave, Nelson Mandela est arrivé à 13 heures au Palais des congrès de Paris où se tient la Conférence internationale sur le sida, sortant tout droit du défilé du 14 Juillet. Et venant pour une session spéciale du congrès sur « 20 ans de lutte contre le sida ». Et d’un coup, les 5 000 congressistes se sont levés. Applaudissant longuement « ce symbole de la lutte des pays du Sud pour l’accès aux traitements ».

Nelson Mandela a souri, lancé ses deux bras en l’air. Puis a commencé à parler. Des mots de colère. Rappelant d’abord que 26 millions de personnes étaient déjà mortes du sida ­ dont 95 % dans les pays en développement­, et que 45 millions de personnes étaient infectées par le virus, il a martelé : « Ces chiffres sont atterrants, en fait ils sont incompréhensibles. Au dire de tous les experts, nous faisons face à la plus grave crise sanitaire de l’histoire de l’humanité. » Puis il s’est montré virulent sur le problème de l’accès des pays pauvres aux antirétroviraux. « C’est un véritable travestissement des droits de l’homme à l’échelle mondiale. » Evoquant l’engagement de George Bush de consacrer 15 milliards de dollars en cinq ans à la lutte contre le sida en Afrique, il a appelé l’Europe à se montrer à la hauteur. « Vu l’importance de sa population et de son économie, l’Europe doit faire autant sinon mieux que les Etats-Unis », a-t-il suggéré. Avant de conclure : « Nous devons agir maintenant pour sauver le monde. »

Tonnerre d’applaudissements. Relayé aussitôt par des manifestants, en majorité d’Act Up, déployant des banderoles et demandant « où sont passés les 10 milliards de dollars, nécessaires pour traiter les six millions de malades », faisant référence aux 10 milliards de dollars par an qu’il faudrait pour lutter efficacement contre la pan démie. Nelson Mandela est resté à la tribune. Puis a applaudi lui aussi en lisant le texte des banderoles. « Je lui ai dit que nous étions à un moment critique. Nous avons besoin de son soutien et de son aide », a raconté Gaëlle Krikorian, d’Act Up.

Juste auparavant, la star de la recherche scientifique, l’Américain Antony Faucci, directeur au NIH (National Institute of Health) avait dressé l’histoire de ces vingt ans de recherche. « Il y a eu à ce jour 135 083 publications dans les revues scientifiques, a noté Antony Faucci. On en sait aujourd’hui sur ce rétrovirus plus que sur aucun autre virus au monde », a-t-il analysé. Des avancées scientifiques spectaculaires qui rappelaient, selon la formule consacrée, que « la science va bien plus vite que les droits de l’homme ».

Par Eric FAVEREAU

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