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Les plus gros pollueurs de la planète ne veulent pas sacrifier leur croissance à la lutte contre le réchauffement

Publié le 12 janvier 2006 - Survie

Extraits du Monde et Libération, France, 12 janvier 2006.

Le partenariat Asie-Pacifique, qui réunit certains des plus gros pollueurs de la planète à Sydney, a promis, jeudi 12 janvier, de lutter contre le réchauffement climatique sans toutefois sacrifier une croissance économique basée sur les énergies fossiles, pourtant à l’origine de l’émission de gaz à effet de serre.

"Notre conviction de la nécessité urgente à poursuivre le développement et d’éradiquer la pauvreté est au cœur de notre vision", ont indiqué dans un communiqué les six pays membres - Etats-Unis, Australie, Chine, Japon, Inde et Corée du Sud - du "partenariat sur le développement propre et le climat", à l’issue de deux jours de réunion. Une centaine de dirigeants de multinationales industrielles étaient également présents à la conférence. "En travaillant ensemble, nous sommes mieux à même de répondre à notre demande croissante en énergie et à nos défis communs, y compris ceux liés à la pollution de l’air, à la sécurité énergétique et à l’intensité des gaz à effet de serre", poursuivent les Six.

Mais "les énergies fossiles sont à la base de nos économies et demeureront une réalité durant toute notre vie et au-delà", poursuit le communiqué, qui souligne que la lutte contre le réchauffement climatique ne doit pas freiner le croissance économique.(...)

Un des objectifs du partenariat est de convaincre les industriels de prendre la tête du combat contre les énergies polluantes en développant des énergies propres. Huit groupes de travail associant gouvernements et entreprises privées ont ainsi été mis en place. Ils se pencheront respectivement sur le secteur minier, les énergies renouvelables, l’aluminium, le ciment, la répartition de l’énergie et sa production, ainsi que sur la construction et l’efficacité de l’appareillage et des systèmes de transport. Leurs conclusions sont attendues en milieu d’année.

Les six pays produisent la moitié des émissions mondiales de gaz à effet de serre

Ces pays représentent près de la moitié du produit brut, de la consommation d’énergie, de la population et des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. La combustion d’énergies fossiles, comme le pétrole, le charbon ou le gaz, est considérée comme responsable du réchauffement climatique, à cause des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Dans leur communiqué final, les six participants ne fixent aucun objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. (...)

Un "pacte du charbon"

Les six pays ont assuré que le pacte était complémentaire au protocole de Kyoto des Nations unies, qui impose à 39 pays industriels signataires des réductions d’émissions de gaz à effet de serre. Mais aux yeux des écologistes, les discussions de Sydney ne visent qu’à détourner l’attention du protocole de Kyoto, que Washington et Canberra ont rejeté de crainte que les réductions d’émission de gaz à effet de serre ne menacent leur vigueur économique. Faute d’objectifs contraignants, contrairement au protocole de Kyoto, le pacte de Sydney est voué à l’échec, assurent ses détracteurs. (...)

Avec AFP et Reuters

Le Monde, France, 12 janvier 2006.


Pas de rayon de soleil à l’autre sommet sur le climat

Réunis à Sydney avec d’autres pays de la zone Pacifique, Américains et Australiens n’envisagent pas de réduire l’usage des hydrocarbures.

Surtout ne rien changer. Tel est le mot d’ordre du sommet sur le climat qui ouvre ses portes aujourd’hui à Sydney, à l’initiative des Etats-Unis et de l’Australie, et qui associera la Chine, l’Inde, le Japon et la Corée du Sud.

Technologies. Baptisé « Partenariat sur le développement propre et le climat », ce rapprochement des grands pays du bassin Pacifique vise en principe à échanger des informations sur les technologies propres, capables de réduire à la fois la pollution industrielle et les rejets de gaz à effet de serre, qui réchauffent la planète. Autrement dit de donner corps à une double idée chère à l’administration Bush, et soutenue par l’Australie : primo, c’est la technologie, et non les changements de comportements, qui permettra de sauver la planète. Secundo : les entreprises produiront l’effort nécessaire volontairement, nul besoin de recourir à des législations contraignantes. Washington et Canberra ont refusé de ratifier le protocole de Kyoto, entré en vigueur l’an dernier, et considèrent que tout engagement de réduction des émissions de gaz « réchauffants » serait un obstacle à la croissance et au progrès.

La Chine et l’Inde ont peu à perdre de ce rapprochement avec les Etats-Unis, souligne Pierre Radanne, consultant, et ancien patron de l’agence française de l’énergie. « Soit c’est du pipeau, et ils perdront l’encre de leur stylo. Soit il y a du concret et ils pourront récupérer un peu de technologie sous la gouttière américaine. » A en croire l’expert, le partenariat est aujourd’hui bien maigre. « C’est important d’aborder les questions de technologie que Kyoto a un peu laissées de côté. Là-dessus les Etats-Unis ont raison. Mais, lors du sommet de l’ONU sur le climat il y a un mois, ils n’ont rien mis sur la table. Et les Chinois n’hésitaient pas à dire que le partenariat tient dans une demi-page. Pour l’instant, il n’y a ni argent, ni propositions concrètes tandis que la coopération technologique entre la Chine et l’Europe est bien vivante. »

Cette absence d’argent a été justifiée par avance par James Connaughton, patron du conseil de la qualité environnementale à la Maison Blanche. « Le financement dont nous avons besoin est celui du secteur privé, a-t-il expliqué hier. Il s’agit de dizaines, voire de centaines de milliards de dollars. Si nous ne pouvons attirer les investisseurs, nous échouerons. » Et si les organisations environnementales n’ont pas été invitées à Sydney, tout le gratin patronal du pétrole ou de l’extraction minière sera présent.

Efficacité. La priorité de la Chine et de l’Inde, comme de beaucoup de pays en développement, c’est l’efficacité énergétique et la sécurité de leur approvisionnement. « Ces pays qui souvent n’ont pas ou pas assez de ressources souffrent énormément du choc pétrolier », explique Pierre Radanne. De leur côté, Etats-Unis et Australie, qui possèdent charbon et pétrole pour le premier, et charbon pour le second, ont tout à gagner au maintien des hydrocarbures comme source d’énergie de premier plan. D’où l’accent qui sera mis par les Etats-Unis sur le « charbon propre », une technologie encore balbutiante qui permettrait de séquestrer le gaz carbonique issu de la combustion dans de gigantesques réservoirs géologiques, et sur l’hydrogène comme carburant automobile propre.

par Denis DELBECQ

Libération, France, 11 janvier 2006.

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