Survie

En 2004, Hervé Morin voulait en finir avec le néocolonialisme...

Publié le 9 février 2008 - Fabrice Tarrit

Il y a trois ans à peine, l’actuel ministre de la Défense fustigeait les relents coloniaux de la politique de la France en Afrique et s’engageait devant l’association Survie à soutenir le changement (voir le courrier ci-dessous). Aujourd’hui ministre de Nicolas Sarkozy, il cautionne en connaissance de cause la poursuite d’une politique anachronique et dangereuse au Tchad.

La condamnation du néocolonialisme français en Afrique figurait parmi les thèmes de campagne de plusieurs candidats à la dernière élection présidentielle. Nicolas Sarkozy, on s’en souvient, avait lui aussi promis la rupture avec les "réseaux d’un autre temps" et s’était engagé à ne plus défendre des chefs d’Etat illégitimes. Promesses vite contredites une fois arrivé au pouvoir, comme l’illustrent le soutien apporté par la France au tchadien Idriss Déby, les accolades avec Omar Bongo ou le tapis rouge déployé devant Mouammar Kadhafi.

Moins connues sont cependant les promesses émises sur la question par une autre personnalité politique aujourd’hui en charge d’un secteur clé de la "Françafrique", le ministre de la Défense, Hervé Morin.

En décembre 2004, interpellé par l’association Survie dans le cadre d’une campagne contre le soutien de la France aux dictateurs africains, celui qui était alors le président du groupe UDF à l’Assemblée écrivait ces quelques lignes à François-Xavier Verschave, président de Survie et auteur de plusieurs livres sur la question :

"Je partage avec vous la conviction que la politique africaine de la France a, depuis les années Foccart, mené un cours particulier, peu lisible, manquant de transparence et empreint de clientélisme."

"Ces relations, marquées par le souvenirs de l’époque coloniale et reposant le plus souvent sur des relations personnelles d’homme à homme, n’ont plus lieu d’être aujourd’hui. L’UDF souhaite qu’un nouveau cours soit donné à la politique africaine de la France pour lui donner enfin une vraie transparence, une vraie lisibilité. [...] Je salue votre initiative [...], vous pouvez compter sur notre vigilance et notre soutien."

Téléchargez le courrier d’Hervé Morin

Parmi la trentaine de députés ayant répondu aux sollicitations de l’association dans le cadre de cette campagne, cette lettre apparaissait sans conteste comme une des plus argumentées et des plus explicites.

Explicite mais peut être pas vraiment sincère. Car à peine plus de trois ans plus tard, si l’on se fie aux déclarations du même Hervé Morin sur la crise tchadienne et à sa défense de la prétendue "légitimité" d’Idriss Déby, le changement de ton apparaît brutal. Malgré ses engagements précédents, le ministre Hervé Morin s’inscrit aujourd’hui dans la droite ligne de la politique françafricaine de la "stabilité", celle qui consiste à soutenir les dictateurs en croyant défendre les intérêts français.

Il est vrai qu’il était sans doute plus facile de s’attaquer à la politique de Jacques Chirac depuis les rangs de l’UDF (alors quasiment un parti d’opposition) que d’oser critiquer aujourd’hui la politique de Nicolas Sarkozy au sein même de son gouvernement. Les places sont chères et Hervé Morin n’est pas le plus en sécurité, si l’on croit certaines rumeurs... Le secrétaire d’Etat à la Coopération Jean-Marie Bockel, qui a annoncé il y a peu vouloir "signer l’acte de décès de la Françafrique" mais quasiment muet sur la situation au Tchad, se montrera-t-il, lui, plus courageux ?

Si les peuples africains ont bien "droit à la démocratie, comme tous les hommes", ainsi que l’écrivait le député Morin en 2004 dans son courrier, il y a cependant fort à redouter qu’ils attendent encore longtemps que certains dirigeants français mettent en adéquation leur politique de coopération avec l’Afrique avec les principes défendus lorsqu’ils sont en campagne.

A moins que M. Morin ne pense vraiment, pour reprendre les propos contenus dans sa lettre, que le clientélisme a disparu de la scène franco-africaine, que la politique menée au Tchad ou en Libye est plus lisible et plus transparente qu’en 2004 et que les relations d’homme à homme ne sont plus la règle.

On aimerait y croire aussi...

Téléchargez le courrier d’Hervé Morin

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