– Grégoire Niaudet, chargé de projet Afrique au Secours catholique-Caritas France
– Olivier Thimonier, secrétaire général de Survie
– Jean Merckaert, chargé de mission financement du développement au Comité catholique contre la faim et pour le développement
Au Tchad, la France vient encore de manquer une occasion d’entamer la rupture promise avec la Françafrique. Le « soutien sans faille » apporté par Paris a surtout encouragé Idriss Déby à bâillonner durablement l’opposition et à saboter le fragile processus de dialogue démocratique. Nicolas Sarkozy saura-t-il tirer les leçons de ce nouvel échec pour amorcer entre la France et l’Afrique « une relation nouvelle, assainie, décomplexée, équilibrée, débarrassée des scories du passé », comme il l’a promis en mai 2006 à Cotonou (Bénin) ? Son deuxième voyage au sud du Sahara lui en offre une opportunité. La dernière, sans doute.
Car, seulement neuf mois après l’élection présidentielle, la liste des compromissions avec « les dictatures, les pays dirigés par des régimes corrompus », que l’UMP s’est pourtant engagée à ne plus soutenir, est déjà longue. Les quelques avancées sur le plan judiciaire, dans l’affaire du juge Borrel assassiné à Djibouti et dans celle des présumés génocidaires rwandais présents sur le territoire français, ne peuvent compenser le mépris affiché à Dakar, en juillet 2007, envers « l’homme africain », à qui jamais il ne viendrait « à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin ». Les honneurs réservés aux Bongo, Kadhafi, Sassou-Nguesso, Biya et consorts en disent long sur la promesse de « refonder la politique africaine de la France sur des relations transparentes et officielles entre pays démocratiques ». Que dire de l’impunité dont jouissent ces dirigeants sur le sol français, après le classement sans suite d’une enquête pour recel qui démontrait pourtant l’origine douteuse du patrimoine colossal de plusieurs d’entre eux ? Las ! la justice et le sort des populations africaines semblent ne pas peser bien lourd face à l’épouvantail de la concurrence chinoise et américaine agité par Paris et au poids démesuré des intérêts économiques de groupes comme Bolloré, Total ou Areva dans la diplomatie élyséenne.
Englué dans ce qu’il qualifiait naguère de « réseaux d’un autre temps », Nicolas Sarkozy est aussi de plus en plus isolé. Car l’opinion publique est lasse que la France piétine en Afrique les valeurs qu’elle prétend incarner. La nécessité d’une réforme profonde de ces relations est aujourd’hui comprise et voulue par de plus en plus de conseillers politiques ministériels, de fonctionnaires du Trésor, de diplomates, sans oublier les députés membres de la mission d’information parlementaire sur les relations franco-africaines, créée en septembre dernier. En janvier, Jean-Marie Bockel lui-même exhortait le chef de l’Etat à « aller plus loin dans la démarche de rupture » avec la Françafrique. En somme, les conditions de cette « rupture » semblent réunies. L’Elysée saura-t-il en profiter ?
En publiant un Livre blanc pour une politique de la France en Afrique responsable et transparente, les associations de la Plateforme citoyenne France-Afrique ont souhaité apporter des analyses et des propositions concrètes au débat. Lassées des discours incantatoires, elles attendent du président de la République des actes forts :
Il y a un an, plusieurs centaines d’associations et syndicats africains écrivaient au candidat Sarkozy : « Vous avez une occasion historique d’engager votre pays dans un nouveau contrat de génération avec les peuples de nos pays. » Il serait temps de la saisir.
Les associations de la Plateforme citoyenne France-Afrique