Survie

Racisme et répression

rédigé le 1er avril 2023 (mis en ligne le 15 juin 2023) - Juliette Poirson, Raphaël Granvaud

Le mois de mars a été marqué par la poursuite du puissant mouvement contre la réforme des retraites. Quelques autres mobilisations qui se sont déroulées ce mois-ci s’en sont trouvées malheureusement occultées dans les médias. Il s’agit par exemple de la marche qui se tient à la mi-mars depuis plusieurs années, pour dénoncer les violences policières : s’inscrivant dans une campagne internationale pour faire du 15 mars la journée internationale contre les violences policières, cette marche, organisée à l’initiative des familles de victimes et de diverses organisations, pointe aussi le racisme systémique qui y est souvent lié. Les réponses exclusivement répressives apportées au mouvement social par le gouvernement ont été une nouvelle occasion de vérifier une dérive sécuritaire et, à travers les enregistrements audio révélés par certains médias, l’implantation d’un racisme décomplexé au sein des forces de l’« ordre », et particulièrement des unités Brav-M, dont plusieurs pétitions demandent la dissolution. L’usage répété du 49.3, permettant de passer outre le vote du Parlement, confirme aussi les soubassements iniques du fonctionnement d’une Ve République dont nombre de scandales françafricains ont été rendus possibles précisément par l’absence de contrôle parlementaire et démocratique.
Le 25 mars, journée internationale contre le racisme, des rassemblements ont également été organisés dans plus d’une quarantaine de villes à l’appel notamment de La marche des solidarités, de l’UCIJ (Unis contre l’immigration jetable) et des collectifs de sans-papiers, pour dénoncer le projet de loi asile et immigration de Darmanin qui aurait dû être débattu en séance publique au Sénat à partir du 28 mars. Il a finalement été retiré pour éviter de crisper un débat avec la droite au moment où le gouvernement tentait de rallier les voix des Républicains sur la réforme des retraites. Ces derniers, dans un jeu de surenchère avec les élus du Rassemblement national, avaient en effet proposé, en commission des lois au Sénat, de durcir encore un texte dont les organisations de défense des droits humains dénoncent depuis des semaines le caractère pourtant déjà délétère pour les droits et les conditions de vie des personnes exilées. Ils souhaitaient notamment la suppression de l’aide médicale d’État (AME, pour les personnes en situation irrégulière, sous condition de ressources, présentes en France depuis au moins trois mois). Ils refusaient aussi de laisser passer les articles de loi visant à créer un titre de séjour pour les sans-papiers employés dans les « métiers en tension ». Ce volet prétendument progressiste du projet de loi ne visait pourtant qu’à satisfaire le patronat.
Lors de son allocution télévisée du 22 mars, le président Macron a annoncé le report du projet de loi et son saucissonnage en « plusieurs textes » dans les semaines à venir. Depuis, les associations s’inquiètent de voir revenir les mêmes mesures amendées par la droite pour être votées séparément, ou adoptées par décret pour contourner à nouveau le parlement. Si le gouvernement espère, en agitant à nouveau l’épouvantail de l’immigration, faire oublier la colère suscitée par sa politique de casse des acquis sociaux, il ne fait aucun doute que cette stratégie ne fera qu’élargir le boulevard électoral à l’extrême-droite.

Juliette Poirson et Raphaël Granvaud

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 327 - avril 2023
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