FAUTEURS DE GUERRE
Il a déjà été de deux aventures françafricaines : en 1978, il a sauté sur Kolwezi avec les paras français ; en 1990, avec les mêmes, il est allé combattre le FPR au Rwanda...
Mais la fusée Mobutu-Mahele, allumée à la fièvre nationaliste, sur une promesse de revanche guerrière, risque de s’avérer beaucoup plus incontrôlable qu’un attelage politique civil.
Une bonne partie de la Franzaïre adhère sans recul au discours de la reconquête, dont elle espère un jackpot politico-minier. S’il est mis en actes, avec le concours des rescapés du Hutu power, des rebelles ougandais, de l’armée soudanaise, d’une nuée de mercenaires et d’un bataillon de conseillers français, il conduira à menacer dans leur existence même les régimes ougandais et rwandais. Ceux-ci entreront en guerre ouverte, non sans soutiens. Comme au Rwanda de 1990 à 1994 (avec les effets que l’on sait), la France jouera à la guéguerre avec les Etats-Unis au prix du sang des peuples de la région. Et au service de ceux qui, à l’enseigne du léopard, n’ont cessé de piller le richissime Zaïre.
Peut-être subsiste-t-il, en France, quelques décideurs assez raisonnables pour refuser un tel scénario. Peut-être aussi Mahele montrera-t-il le bon sens d’un Lebed face à la rébellion tchétchène, se contentant de moulinets belliqueux pour mieux préparer la négociation politique (et minière : le partage de l’or et des diamants). Mais les risques sont extrêmes qu’un engrenage martial ne broie de telles prudences.
La principale inconnue demeure la réaction des Zaïrois eux-mêmes. Entre ceux qui se sont révoltés contre le régime Mobutu et ceux qui n’ont cessé de s’y opposer, par la politique ou la non-violence civile, n’y a-t-il pas assez de talents et d’énergies coalisables pour faire échec à la fatalité du pire ?
La Françafrique des nineties n’en finit pas de mourir. Comme la plouto-anarchie mobutuesque, dont elle tente un ultime dopage dans le fol espoir d’en capter l’héritage.
A Kinshasa, les néogaullistes ont plongé Mobutu dans un « bain de foule » style Pétain (comme en filmaient les actualités vichyssoises de 1944) pour, paradoxalement, installer un faux De Gaulle zaïrois, le général Mahele. N’importe quoi...
Il faut savoir que la filiale françafricaine locale - disons la « Franzaïre » - est à peu près aussi décomposée que le système Mobutu. Les réseaux Foccart, Giscard, Pasqua et Mitterrand tentent de s’accrocher à leurs relais locaux : militaires, financiers, proche-orientaux et noctambules. Interfèrent des intérêts diamantaires et miniers, alliés ou concurrents d’innombrables appétits étrangers. Ainsi que le sérail de Mobutu (dont ses fils, et les ambassadeurs successifs à Paris, Mokolo et Ramazani Baya), abattant les dernières cartes d’un jeu qui fut très riche.
La coterie militaire franzaïroise est la plus inquiétante. Trafics d’armes et recrutement de mercenaires n’ont plus de secrets pour elle. S’allier aux génocideurs rwandais ou aux massacreurs soudanais ne lui fait pas problème. Des deux côtés, zaïrois et français, on aime jouer « perso », à en juger par les trajectoires des Lacaze, Barril, Denard ; Baramoto, Nzimbi, Eluki, Mahele.
C’est ce dernier, fort d’une réputation de vaillance dans un contexte de débâcle, qui a emporté la mise. Il exigeait les pleins pouvoirs sur l’armée et les milices : il les a obtenus. Le voilà plus fort que Lebed face à Eltsine (légitimé, lui, par le suffrage universel), dans un pays où, durant plus de trente ans, Mobutu a martelé le précepte : « le pouvoir est au bout du fusil ».
Comme le Rwandais Bagosora, le Tchadien Déby ou le Nigérien Baré Maïnassara, le général Mahele a été formé en France, où l’on croit pouvoir l’influencer. Il a déjà été de deux aventures françafricaines : en 1978, il a sauté sur Kolwezi avec les paras français ; en 1990, avec les mêmes, il est allé combattre le FPR au Rwanda...
Mais la fusée Mobutu-Mahele, allumée à la fièvre nationaliste, sur une promesse de revanche guerrière, risque de s’avérer beaucoup plus incontrôlable qu’un attelage politique civil.
Une bonne partie de la Franzaïre adhère sans recul au discours de la reconquête, dont elle espère un jackpot politico-minier. S’il est mis en actes, avec le concours des rescapés du Hutu power, des rebelles ougandais, de l’armée soudanaise, d’une nuée de mercenaires et d’un bataillon de conseillers français, il conduira à menacer dans leur existence même les régimes ougandais et rwandais. Ceux-ci entreront en guerre ouverte, non sans soutiens. Comme au Rwanda de 1990 à 1994 (avec les effets que l’on sait), la France jouera à la guéguerre avec les Etats-Unis au prix du sang des peuples de la région. Et au service de ceux qui, à l’enseigne du léopard, n’ont cessé de piller le richissime Zaïre.
Peut-être subsiste-t-il, en France, quelques décideurs assez raisonnables pour refuser un tel scénario. Peut-être aussi Mahele montrera-t-il le bon sens d’un Lebed face à la rébellion tchétchène, se contentant de moulinets belliqueux pour mieux préparer la négociation politique (et minière : le partage de l’or et des diamants). Mais les risques sont extrêmes qu’un engrenage martial ne broie de telles prudences.
La principale inconnue demeure la réaction des Zaïrois eux-mêmes. Entre ceux qui se sont révoltés contre le régime Mobutu et ceux qui n’ont cessé de s’y opposer, par la politique ou la non-violence civile, n’y a-t-il pas assez de talents et d’énergies coalisables pour faire échec à la fatalité du pire ?
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