Survie

Elf : Libertés protégées

(mis en ligne le 1er juin 2003)

Deux importants accusés du procès Elf avaient fui à l’étranger les foudres des juges d’instruction : le colonel de la DGSE Pierre Lethier et le magnat irako-britannique Nadhmi Auchi - qui mériterait aussi la nationalité pasquaïenne (La maison Pasqua [1] est un paradis fiscal virtuel entre Corse, Monaco, Suisse, Luxembourg, Afrique et Amérique du Sud).

Laissons-là Charles Pasqua : bien qu’omniprésent dans le dossier Elf, il a bénéficié d’un « non-lieu » (l’ubiquité rend insaisissable). Considérons plutôt la mansuétude dont ont bénéficié les deux “fuyards”, Lethier et Auchi, venus se présenter en toute confiance devant le président Desplan. Tous deux vivaient tranquillement et très confortablement à Londres, dont la City est la grande commutatrice des paradis fiscaux. C’est mieux que la prison de la Santé, où a croupi Le Floch : « Ici Londres » vaut mieux qu’ici l’ombre.

Lethier a reçu d’Elf 95 millions de francs. La procureure propose une liberté sous caution de 500 000 euros (3,5 % du préjudice), le tribunal décide 50 000. « Peu avant l’ouverture des débats, l’avocat de Lethier, Me Thierry Lévy, a fait son entrée par la porte du tribunal. Contrairement à ses confrères du barreau, qui ont dû, eux, emprunter celle du public. » (Le Point, 25/04)

Nadhmi Auchi, lui, a reçu d’Elf près de 375 millions de francs. Il en a gardé 160 et redistribué le reste. Le parquet déplore le « mépris » manifesté par le prévenu à l’égard de la justice française. Mais le tribunal le remet en liberté avec une caution dérisoire, 100 000 euros - quelques millièmes de l’argent détourné. La république souterraine est au-dessus des lois. Et Nadhmi Auchi est particulièrement courtisé en ces temps de reconstruction de l’Irak.

[1Titre d’un ouvrage de Nicolas Beau, Plon, 2002.

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 115 - Juin 2003
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