Survie

Djibouti : ILS ONT DIT

(mis en ligne le 1er juillet 2003)

« Il est rare de rencontrer un homme [comme Daher Ahmed Farah (DAF)] lancé sur le sillon d’un destin qui dépasse sa personne physique et son histoire, un homme en phase avec les aspirations les plus partagées de son peuple. Un homme qui ne ménage pas ses efforts, qui n’économise ni son souffle ni sa salive. Un homme, enfin, qui, contre vents et marées, tient d’une main ferme son cap. [...]
Depuis qu’il est rentré au pays, à la queue des années 1980, tout le monde s’accordera pour reconnaître que cet homme a beaucoup apporté à notre pays. [...] J’ai rencontré cet homme en quête de destin il y a quelques mois, à Djibouti. C’était une poignée de jours avant son avant-dernier embastillement dans la sinistre prison de Gabode. Je l’ai trouvé plus combatif qu’avant, plus calme aussi. Son constat après les élections législatives était sans appel, calmement devrais-je ajouter. Relisons ces quelques lignes extraites de sa Lettre à la jeunesse djiboutienne : « Ces souffrances sans nom [celles du peuple djiboutien, s’entend] ne sont pas tombées du ciel, pas plus qu’elles n’ont surgi du sol. Elles sont le produit d’un régime et de son système de gestion des affaires nationales. Elles sont les conséquences directes de l’alimentarisme de nos gouvernants qui allient absence de vision politique, cupidité, inertie et autres agissements fossoyeurs. C’est le fait de ces hommes et femmes dont le principal souci est de se servir de leur pays pour eux-mêmes au lieu de le servir au mieux de l’intérêt général.
Nos souffrances sont, en un mot, le prix que nous payons pour la prospérité exclusive de la poignée d’individus qui prétendent nous diriger. Nous souffrons et ils prospèrent sous nos yeux sommés de suivre en spectateurs captifs leur spectacle qui relève ridiculement du troupeau insatiable.
Mais, pour graves qu’elles soient, ces souffrances ne sont pas insurmontables. Nous pouvons les faire refluer jusqu’à totale disparition. C’est tout à fait possible. Mieux, cela ne dépend que de nous.
Pour y parvenir, refusons d’abord de renoncer. Ne nous laissons pas impressionner par le spectacle suranné des pâturants. Gardons la tête froide pour réagir avec méthode et résolution.
Une fois chassé le sentiment de découragement qui fait le lit de la résignation, disons-nous chacun que nous ne sommes pas seuls. Répétons-nous que c’est tout un pays qui doit trouver son salut, que la quasi-totalité des Djiboutiennes et Djiboutiens aspirent aujourd’hui au changement salvateur. Pourquoi ? Parce qu’il est psychologiquement réconfortant de ne pas se savoir seul. »
Qui pourrait honnêtement soutenir le contraire ? Quel Djiboutien/ne n’a pas, dans le secret de sa conscience, proféré les mots pour lui/elle-même, pour se convaincre qu’il/elle était en vie et en pleine possession des facultés intellectuelles ? [...] Ce que d’aucuns n’osent pas encore en rêver, Daher Ahmed Farah le dit et l’écrit. C’est bien cela son seul crime. Que nous dit-il encore ? Eh bien ceci : « À tous, je remémore que ce régime est incroyablement fragile et qu’il ne tient que par notre déficit de résistance collective. Très sincèrement, ce pouvoir est tout de faiblesses. Osons l’effort qui sauve.
Alors ACTION ! ACTION ! ACTION ! Sous toutes ses formes constructives. La lutte continue... »
Ce lundi 16 juin 2003, cet homme affrontera à nouveau son destin... dans la cour d’un palais de Justice. Cela nous concerne tous.
(Abdourahman WABERI, écrivain. Texte adressé aux Nouvelles d’Addis, 15/06).

#GénocideDesTutsis 30 ans déjà
Cet article a été publié dans Billets d’Afrique 116 - Juillet Août 2003
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